La folle journée de Nantes 2010, qui n'est pas encore terminée à l'heure où j'écris ce billet, est consacrée à Chopin, bi-centenaire oblige. A en croire les interviews de René Martin dans la presse, ce musicien injustement méconnu mérite d'être réhabilité d'urgence.
Chopin fut d'abord et avant tout un pianiste et improvisateur génial. Il n'a guère vécu plus vieux que Mozart (39 ans) et ne laisse que des compositions pour piano. Oui, je sais, il existe bien deux concertos pour piano et orchestre, une vingtaines de mélodies pour piano et voix qui ont été publiés de manière posthume, un très belle sonate pour piano et violoncelle, mais à ma connaissance Chopin n'a pas écrit d'oeuvre dont le piano serait absent.
Si l'on demande à un pianiste, amateur ou professionnel, quel est le compositeur qu'il préfère à titre personnel et affectif, neuf fois sur dix on s'entendra répondre "Chopin". Une réponse qui vient du coeur et ne cherche pas d'autre justification. Sa merveilleuse connaissance de l'instrument qu'il avait choisi comme moyen d'expression exclusif lui permettent de faire chanter le piano comme nul autre. Peut-être faut-il avoir joué les Préludes, Nocturnes et autres Mazurkas avec ses propres doigts pour en subir l'envoûtement. Ce qui est sûr en tout cas est que cette musique s'accommode mieux de l'intimidé d'un salon que de la froideur d'une salle de concert. Elle préfère les formes libres comme le nocturne ou les danses au schémas plus élaborées comme la Sonate. Elle ne s'embarrasse pas de contrepoint, mais sait faire chanter la main gauche comme un beau violoncelle. Et d'après mon professeur de composition, Chopin est le meilleur professeur d'harmonie qui soit. Avec de telles qualités de coeur et d'esprit, on lui pardonnera aisément sa monomanie du piano (moi aussi j'aime le piano), ses manières parfois un peu mondaines et ses répétitions qui rendent certaines valses follement ennuyeuses.
Le défi des organisateurs de la folle journée était de concevoir un programme aussi boulimique que d'habitude (cinq jours de concerts qui s'enchaînent de 9h du matin à minuit dans les huit salles du Palais des Congrès de Nantes) à partir d'une oeuvre très importante certes mais assez modeste en durée, et d'une instrumentation très uniforme (du piano, du piano, et encore du piano). Une fois qu'on a programmé l'intégrale du piano seul sur six concerts, ajouté les concertos et la sonate avec violoncelle, on n'a pas la moitié du quart de la durée nécessaire. On mobilise alors ses contemporains (Liszt, Paganini, Mendelssohn, Schumann, Alkan), les maîtres classiques qu'il révérait (Bach et Mozart), les musiciens français qui lui ont souvent rendu hommage (Fauré, Debussy, Ravel).
Si je n'ai pas pu m'y rendre cette année, c'est surtout en raison d'un emploi du temps chargé. Mais pour être honnête le programme de cette année me donnait peu envie de faire d'énormes efforts pour y aller quand même. Si l'on regarde de près, qu'y a-t-il dans ce programme comme oeuvre qu'on n'ait pas déjà en triple exemplaire dans sa discothèque et entendu une demi-douzaine de fois en concert ou à la radio ?
- les transcriptions du Renegades Steel Band sur bidons de métal qui promettent d'être très créatives et réjouissantes
- d'autres pour trio d'accordéons et quatuor d'harmonicas (ça ne s'invente pas !)
- des arrangements pour quatuor avec piano d'oeuvre pour piano seul, qui sont assez conforme à la pratique de l'époque (où les réductions d'opéra pour piano, violon, violoncelle remplaçaient le émmepétrois et l'aïlle-pode)
- une transcription pour alto de la sonate pour violoncelle (connaissant cette sonate je veux bien parier que s'il est bien réalisé, ça doit sonner très bien)
- des improvisations de Matoko Ozone
- enfin d'authentiques airs fokloriques polonais
Si l'on doit rendre hommage aux travail des organisateurs de la folle journée, et à la qualité irréprochable des interprétations proposées, on ne peut que déplorer que le programme soit tellement sage et conventionnel. Pour 2011, Monsieur Martin, étonnez-nous ! A côté des grands classiques que nous aimons toujours ré-entendre, proposez nous quelque chose d'excitant et d'inédit !