Un extrait de mon râga pour quatre altos

Extrait d'un e-mail reçu d'un fan: J'imaginais à un moment de grosses bûches dans une énorme cheminée, mais l'accelerando ff m'a sorti du rêve tandis que revenait l'air mélancolique mais pas triste. Plusieurs auditeurs m'ont demandé: mézofait c'est quoi un Râga ? mais les fidèles lecteurs de ce journal se souviendront que j'ai déjà posté quelques explications.

Patrick Loiseleur

(les interprètes de la création, de gauche à droite: Nicolas, Sylvie, Romain et Papageno)

Je vous propose d'écouter la fin. Grâce au magnifique pianissimo réalisé par mes amis dans les dernières mesures, le public est resté silencieux une bonne dizaine de secondes avant d'applaudir. Un silence recueilli que je préfère à tous les bravos.

L'idée même de faire un quatuor d'altos est tellement loufoque que je ne chercherai même pas à me justifier. Pourtant je n'imagine pas de meilleure instrumentation pour cette pièce. Il serait sans doute possible de l'arranger pour quatuor classique (deux violions, un alto, un violoncelle) ou même pour orchestre, mais ça sonnerait sans doute moins bien. Les effets polyphoniques (imitations, miroirs, transformations) auraient moins d'impact et le changement de timbre lorsqu'un motif passe d'un instrument à l'autre serait moins subtil s'il passe d'un violon à un violoncelle que d'un alto à un autre alto. Il y a dans le quatuor d'altos la richesse mélodique et harmonique du quatuor tout court, mais la réduction de l'ambitus à celui d'un seul instrument oblige à écrire une musique plus resserrée, plus dense. Plus encore que le quatuor à cordes, il s'agit de suggérer plus que de jouer tout dont l'alto est privé par nature: l'aigu, le grave, la puissance, la percussion, la polyphonie. On ne peut jouer qu'une partie de la musique, et c'est à l'auditeur de rêver le reste...

Quatuor d'altos

Commentaires

1. Le mercredi 4 juin 2008, 08:24 par DavidLeMarrec

Incroyable, ça ressemble furieusement aux premiers quatuors de Myaskovsky ! (Et c'est un gros compliment.)

Ca me rappelle assez, aussi, l'atmosphère onirique du Second Quatuor de Nurymov, mais en plus beaucoup plus travaillé.

Je suis vraiment séduit, et je dois avouer que si l'idée de quatuor d'alto ne m'avait pas enthousiasmé de prime abord, je trouve le résultat remarquable. En plus, la qualité de phrasé des interprètes de la création permet de bien goûter la pièce.

Je partage assez votre analyse sur la suggestion, c'est très réussi.

[On a le droit d'entendre le reste ?]