vendredi 20 mars 2009

Jean Giono: les vraies richesses

C'est en 1937 Jean Giono publie un essai d'une centaine de pages intitulé Les vraies richesses qu'il est urgent de relire aujourd'hui (on le trouve chez Grasset dans la collection "Les Cahiers Rouges", mais aussi en livre de poche). Voici un extrait de la préface:

La joie que j'ai dans mon cœur (comme celle que Bobi a dans son cœur) je la touche et je la perds dans le même instant parce que je ne peux pas la partager avec tous. Qu'on m'accuse alors d'avoir trouvé une joie plus terrible que délicieuse, j'en suis fier. Mes délices demeureront quand ils seront communs. Mais quand la misère m'assiège ... Et elle est partout dans le monde, mêlée à une sorte de folie. Les hommes ont créé une planète nouvelle: la planète de la misère et du malheur des corps. Ils ont déserté la terre. Ils ne veulent plus ni fruits, ni blé, ni liberté, ni joie. Ils ne veulent plus que ce qu'ils inventent et fabriquent eux-mêmes. Ils ont des morceaux de papier qu'ils appellent argent. Pour avoir un plus grand nombre de ces morceaux de papier ils décident subitement de faire abattre et d'enterrer cent soixante mille vaches parmi les plus fortes laitières. Ils décident d'arracher la vigne car, si on ne l'arrachait pas, le vin serait trop bon marché, c'est-à-dire ne pourrait plus produire des morceaux de papier en assez grand nombre. A choisir entre les morceaux de papier et le vin, ils choisissent les morceaux de papier. Ils brûlent le café, ils brûlent le lin, ils brûlent le chanvre, ils brûlent le coton. Devant l'énorme bûcher de coton, des chômeurs de l'Illinois viennent: «Laissez-nous emplir des matelas, disent-ils, nous couchons sur la terre, nous ne mangeons presque pas. Nous pourrons au moins dormir. » On leur dit: «Non, le coton est en trop. » Ils répondent: « Pas en trop puisque ce coton nous manque. Il nous donnerait des joies, je vous assure,. enfin, des joies c'est beaucoup dire, mais il adoucirait notre misère, il nous permettrait de dormir au souple quand nous n'avons pas assez mangé. » On leur répond: «Non, non, vous n'y entendez rien. Il ne s'agit pas de vous. Ce coton est en trop car, s'il continuait à exister, le prix du coton baisserait et nous, les producteurs de coton, nous aurions un peu moins de petits morceaux de papier. Tout est là, toute la question est là et nous ne serons tranquilles que lorsque ce coton sera devenu de la fumée. Ecartez-vous. » Quand les récoltes sont abondantes, on se lamente: nous avons trop de pêches, nous avons trop de poires, nous avons trop de vin, nous avons trop de blé, trop de pommes de terre, trop de betteraves, trop de choux, trop d'artichauts, d'épinards, de fèves, de lentilles, de haricots. La terre qui continue ses anciennes gloires épaissit-elle la semence des animaux: nous avons trop de vaches, trop de bœufs, trop de porcs, trop de moutons, trop de chevaux, trop de chèvres. Le cortège des bêtes splendides marche à travers les vergers couverts de fleurs,. les champs de graminées caressent doucement le ventre des bœufs. L'homme tremble. L'immense terreur collective ébranle la société,. nos morceaux de papier, nos morceaux de papier! Gouvernements, ministres, députés, rois, empereurs, lois, lois, lois humaines au secours! Nous avons trop de tout, vite, vite, mettons le feu aux champs, éreintons le verger à coups de hache, tuons les vaches, les porcs, les moutons pendant la nuit à coups de couteau dans le ventre, à coups de serpe sur la tête, fauchant à la faux les pattes grêles des troupeaux, et, si ça ne va pas assez vite, canons, canons, canons !

Que la rareté revienne! Que la terre soit un désert, pour que je puisse vendre très cher ce petit mouton solitaire, cette petite pêche, à peine deux bouchées. Vous avez faim? Tant mieux, vous me donnerez un peu plus de morceaux de papier! Si je pouvais arrêter les fleuves! Si je pouvais faire aussi que l'eau soit chère! Je vous vendrais de l'eau. Que d'argent perdu dans ce fleuve où tout le monde peut puiser librement.


Les deux tiers des enfants du monde sont sous-alimentés. Trente pour cent des femmes qui accouchent dans les maternités ont les seins secs au bout de huit jours. Soixante pour cent des enfants qui naissent ont souffert de misère dans le ventre de leur mère. Quarante pour cent des hommes de la terre n'ont jamais mangé un fruit sur l'arbre. Sur cent hommes, trente-deux meurent de faim tous les ans, quarante ne mangent jamais à leur faim. Sur toute l'étendue de la terre, toutes les bêtes libres mangent à leur faim. Dans la société de l'argent, vingt-huit pour cent des hommes mangent à leur faim. Soixante-dix pour cent des travailleurs n'ont jamais eu de repos, n'ont jamais eu le temps de regarder un arbre en fleur, ne connaissent pas le printemps dans les collines. Ils produisent des objets manufacturés. Quarante pour cent des objets qu'ils fabriquent ainsi sans arrêt sont sans signification dans la vie humaine. Cinquante-trois pour cent des objets fabriqués qui peuvent aider la vie restent dans les entrepôts, ne sont pas achetés, sont détruits, redeviennent de la matière qu'on redonne à l'ouvrier, qui refait l'objet, qu'on redétruit. L'ouvrier est le seul qui habite totalement dans la planète de la misère et du malheur des corps.

 Sur cent ouvriers entrant aux hôpitaux les médecins qui les examinent ne peuvent plus reconnaître le corps d'un homme à quarante-trois d'entre eux. Les poumons sont devenus quelque chose qui jusqu'à présent n'avait plus de nom, une sorte de monstre anatomique. Mais il y a tant de ces monstres qu'on a été obligé d'inventer un nom: c'est le poumon-usine. Sur ces quarante-trois - je ne sais pas comment dire,. disons: hommes, quand même - sur ces quarante-trois hommes, il n'y a plus rien de vrai: ni cœur, ni sang, ni vue, ni odorat, ni goût. Ce sont les nouveaux habitants de la nouvelle planète de la misère et du malheur des corps. Les bêtes sauvages sont admirables. Un renard saute deux mètres en hauteur, tant qu'il veut. Le cœur d'un oiseau est une merveille. Le poumon des canards sauvages est une joie et une richesse formidables pour le canard. La société construite sur l'argent détruit les récoltes, détruit les bêtes, détruit les hommes, détruit la joie, détruit le monde véritable, détruit la paix, détruit les vraies richesses.

Vous avez droit aux récoltes, droit à la joie, droit au monde véritable, droit aux vraies richesses ici-bas, tout de suite, maintenant, pour cette vie. Vous ne devez plus obéir à la folie de l'argent.


jeudi 19 mars 2009

Fais-moi peur !

A regarder et écouter sur le blog d'Alex Ross: le manuscript de la musique écrite par Bernard Herrmann pour le film Psycho d'Alfred Hitchcock, dont la fameuse scène du meurtre. C'est tellement beau, on dirait du Penderecki première période.

mardi 17 mars 2009

Concerts Trouvères à l'ENS le 18 mars 2009

Les Trouvères de l'ENS vous invitent au concert demain soir, 18 mars 2009, à 21h, à l'ENS (45 rue d'Ulm Paris) en salle des Actes. Au programme:
  • C. Bolling Deux pièces Julia Grandfils (trompette), Marie-Anne Leroy (piano)
  • L.Beethoven Sonate n°5 (1er mouvement) Cyril Bouvier (piano)
  • H. Jadin Sonate Op4 n°1 (2ème mouvement) Jean-Brieux Delbos (piano)
  • H. de Montgeroult Sonate Op5 n°1 (2ème mouvement), Sonate Op5 n°3 (2 et 3ème mouvement) Jean-Brieux Delbos (piano)
  • Improvisation Tristan Roussel (piano)
  • F. Mendelsshon 3ème quatuor (1er mouvement) Gaétan Téssé (violon), Karine Hrynkow (alto), Guillaume Laprade (violoncelle),Hélène Villette (piano)
  • J.-S. Bach1ère Sonate pour violon seul Patrick Loiseleur (alto)
  • C.Saint-Saëns Le Cygne Céline Antonin (piano), Patrick Loiseleur (alto)
  • A.I. Katchaturian Toccata Céline Antonin (piano)
  • W.A. Mozart Quatuor K421 Guillaume Lefebvre, Nicolas Bouchon, François Sechet, Olivier Bernard
Comme le veut la tradition, le concert sera suivi d'un pot.

vendredi 13 mars 2009

A travers Clara... reprend à l'Archipel

Le récital Clara Schumann dont nous avions brièvement parlé dans ce journal (mais que je n'avais pas eu la chance de pouvoir écouter) reviendra à l'Archipel à Paris les 23 et 30 mars. La soprane Oriane Moretti nous écrit au sujet de ce spectable qu'elle a conçu:

Ce spectacle est un hommage à une femme et à son talent. Si le spectacle met en abîme le destin tragique de Robert Schumman, c'est avant tout pour rendre hommage à un couple exceptionnel à travers la musique méconnue (mais le prochain film Clara de la réalisatrice allemande Helma Sanders-Brahms, sortie prévue en avril 2009,corrigera, je l'espère, cette méconnaissance injustifiée) de Clara Schumann : piano et lieder : une musique éblouissante.

Si ce n'est pas avec moi, je vous souhaite de découvrir cette musique, cette femme : l'Art en sort grandi.

Sombres pensées, pour violoncelle seul

La partition de Sombres pensées, une pièce que j'ai écrit récemment pour violoncelle seul est maintenant disponible en ligne (en version PDF et en version papier). Il y a bien quelques doubles cordes, mais c'est une partition essentiellement monodique, basée sur le développement de deux cellules mélodiques de caractère opposé. C'est assez court et assez concentré (à peine quatre minutes). D'ici quelques semaines il y aura peut-être un petit extrait de MP3 pour les lecteurs de ce journal. Il est possible qu'une deuxième version, avec bande magnétique, voie le jour. Cette pièce est dédiée au violoncelliste Benoît Stroh.

jeudi 12 mars 2009

Disparition du compositeur Henri Pousseur

On célébrait aujourd'hui à Liège les obsèques d'Henri Pousseur. Ce compositeur belge pas tellement connu en France a notamment fondé l'ensemble Musiques nouvelles et dirigé le conservatoire de Liège jusqu'en 1994, et en a fait un des foyers importants de la musique contemporaine en Europe. Il a également beaucoup collaboré avec des écrivains comme Michel Butor, et laissé nombre d'écrits sur la musique. Comme plusieurs compositeurs de sa génération, il a commencé avec le sérialisme pur et dur dans les années 1950 avant de se libérer de ce qui était devenu un carcan au début des années 1960. Il a continué à écrire jusqu'en 2004. Le journal La Meuse lui rendait hommage comme « sans conteste l’un des quatre compositeurs les plus marquants de la musique du XXe siècle » (mais au fait, qui sont les trois autres ?). Le philarmonique de Liège, qui devait célébrer le 19 mars prochain les 80 bougies d'Henri Pousseur, le fera à titre d'hommage posthume.

On trouve quelques extraits de sa musique sur Youtube, dont un solo pour Arpeggione (mais si, cette viole de gambe à 6 cordes accordée comme une guitare et pour laquelle Schubert avait écrit sa célèbre sonate en la mineur): Il y a aussi ce morceau étonnant dont le style évolue insensiblement de celui de Mozart à celui de Boulez (en passant par Beethoven, Schumann, Wagner, etc) en moins de 5 minutes:

mercredi 11 mars 2009

KAbrass en concert le 22 mars 2009 à Asnières

L'ensemble de cuivres KABrass vous invite au concert à Asnières-sur-Seine le 22 mars à 17 heures. De Robin des Bois à Don Quichotte, de « Jericho » au jazz, le répertoire sera varié. Pour un dimanche de détente (Participation libre), venez nous écouter à Asnières le dimanche 22 mars 17 heures.


Original par sa taille et son genre (4 trompettes, 4 trombones, 1 cor et 1 tuba), y compris le côté international de ces membres (France, Etats-Unis, Chili, Chypre, Australie), KABrass place les cuivres sur le devant de la scène et permet de faire découvrir la grande diversité de ces instruments.

direction: Xavier Saumon.

Ecole de Musique, de Danse et d’Art Dramatique
4 rue de l’Eglise – 92600 Asnières-sur-Seine
Métro Genevilliers-Asnières (13)

mardi 10 mars 2009

Loi Création et Internet: beaucoup de bruit pour rien

C'est une des manies de notre gouvernement actuel que de surcharger le calendrier parlementaire et d'empiler les lois, certaines lois étant votées avant même que les décrets d'application de la précédente soient parus. Peu importe au fond qu'une loi soit inappliquée ou inapplicable, l'essentiel est d'occuper le terrain médiatique (et indirectement, électoral). La loi dite "Internet et Création" ou encore "Hadopi", du nom de l'autorité administrative qui sera créée, ne fait pas exception: basée pour l'essentiel sur le rapport Olivennes et l'accord tri-partite signé à l'Elysée, elle est l'objet d'une bataille médiatique rangée entre l'industrie du disque d'une part, et les internautes pro-licence globale soutenus par certains associations de consommateurs d'autre part. 

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lundi 9 mars 2009

De jeunes compositeurs écrivent pour des ensembles amateurs

À l’initiative de trois étudiants du Conservatoire National Supé­rieur de Musique de Paris, seize jeunes compositeurs ont exprimé le souhait d’écrire une œuvre à l’intention d’un ensemble instrumentale amateur.

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dimanche 8 mars 2009

Weibengarten: romance pour alto et piano

Felix Weibengarten (1833-1887) a parfois été surnommé le Fauré allemand, bien que sa renommée n'ait guère dépassé à l'époque la basse-Saxe où il a passé l'essentiel de sa vie. Musik muss singen über alles (la musique doit chanter avant tout), telle était sa devise.

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samedi 7 mars 2009

Festival Présences le 6 mars 2009 à la Maison de la Radio

La salle Olivier Messiaen de la Maison de la Radio est quasiment pleine pour ce concert du Festival Présences. Grâce à la générosité des contribuables français, non seulement c'est gratuit, mais il y a un vestiaire, des programmes pour tout le monde, une organisation impeccable. Amis qui payez la redevance, merci !

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jeudi 5 mars 2009

Debussy, père de tout les bloggueurs

Entre 1901 et 1903, un musicien français jeune encore, brillant, anti-conformiste, déjà connu mais pas encore célèbre (il faudra attendre le succès de Pelléas pour cela) publie des chroniques musicales sous le pseudonyme de Monsieur Croche. Dans ce Monsieur Croche, Paul Valéry ne verra qu'un avatar de son Monsieur Teste, mais c'est bien plus que cela.

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Les chroniques musicales de Debussy ne ressemblent pas à ce qu'on lit habituellement dans la critique musicale. Il ne prétend pas être l'arbitre du bon goût, celui qui distribue les bons ou les mauvais points, qui couvre de fleurs ou descend en flammes les interprètes. Il s'intéresse autant aux oeuvres qui sont jouées qu'à la manière dont elles sont jouées. Il mélange au fil de la plume des considérations théoriques, des impressions sur le vif, des plaisanteries. Il n'hésite pas à dire je, en assumant totalement la subjectivité de son propos. Le mot clé est celui d'impressions, qu'il souligne lui-même dans le premier article.

Lorsqu'il a re-publié ces textes en 1987, chez Gallimard, François Lesure a eu l'audace de les disposer par ordre chronologique, tels qu'ils ont été publiés à l'époque, et non dans la version re-travaillée par Debussy pour publication en 1926. Malgré les redites, les digressions que Debussy avait éliminées et que François Lesure a donc fidèlement rétabli, c'est sans doute le bon choix éditorial. Outre un tableau de la vie musicale il y a 100 ans à Paris, ces chroniques nous donnent une image vivante et spontanée de la pensée de Debussy. Ans, par exemple, toute l'ambiguïté de son rapport à Wagner (qui balance entre admiration et rejet) apparaît plus clairement.

Ma tendre épouse qui y a jeté un coup d'oeil (elle lit à la diabolique vitesse de 10 pages par minute) m'a dit c'est un blog, ce qui n'a pas manqué de m'interpeller, car c'est exactement l'impression que j'avais eu moi-même. Debussy n'a pas seulement inventé l'impressionnisme musical et le mode I (la gamma par tons, si vous préférez): il a aussi inventé le blog  mélomane, près de soixante-dix ans avant l'apparition d'Internet et cent ans avant l'avènement du Web 2.0. Quel génie visionnaire, tout de même. Et quelle fine plume !

Concert d'improvisation à la cité de la musique le 7 mars 2009

Les solistes du Conservatoire (également connu sous l'acronyme barbare de CNSMDP) proposent un concert d'improvisation le Samedi 7 mars 2009 à 15h à l'amphithéâtre de la Cité de la Musique. Au programme:

  •  Bass walk with me, improvisations d'après les films de David Lynch, par Fabrizio Rat Ferrero, piano, Ronan Courty, Fabricio Nicolas contrebasses
  • A couple of timespar Myriam El Haïk, plasticienne, Fabrizio Rat Ferrero, piano


La notice explique à propos de la deuxième partie: Comme deux instrumentistes, une peintre-improvisatrice et un pianiste-improvisateur interagissent à partir d’un système de correspondances issu de leur recherche. Une caméra filme sur scène le geste pictural et le retransmet vers un ordinateur servant de ‘pupitre’ au pianiste. L’ensemble (image et son) est joué et projeté en direct sur grand écran.

voir le programme détaillé sur le site du conservatoire.

lundi 2 mars 2009

Le bal des hypocrites

Entendu à la radio, deux ténors de la gauche caviar au meilleur de leur forme. D'abord c'est Pierre Bergé qui a entamé un solo sur le thème Moi, je suis prêt à offrir ces têtes en bronze au gouvernement chinois, tout de suite. Il leur suffit de déclarer qu'ils vont appliquer les droits de l'homme, rendre la liberté aux Tibétains et accepter le dalaï-lama sur leur territoire. Inutile de rappeler à M. Bergé qu'il a défilé avec des portraits de Mao Zedong et Ho Chi Minh en 68 comme tous ses camarades, alors que le Tibet était déjà occupé par la Chine. A son âge, la mémoire ne fonctionne plus très bien.

En parlant de droits de l'homme, on pourrait suggérer à M. Bergé de s'intéresser à l'application des droits de l'homme en France, en particulier dans les prisons, dont on débat actuellement au parlement.

Quoi qu'il en soit cette affaire est le prétexte idéal pour les autorités chinoises de relancer le boycott de produits français, le genre d'action qui ne coûte pas bien cher et permet de détourner habilement le mécontentement de la population, en évitant qu'il se dirige contre son propre gouvernement.

Fondu enchaîné sur Jack Lang, de retour tout bronzé de Cuba, qui parle surtout de lui-même, de ses convictions socialistes qui ne l'empêchent pas de "servir son pays", de ses liens anciens avec l'Amérique du Sud. Dans les trente dernières secondes il évoque nécessité de mettre fin à l'embargo. Curieusement, il ne parle pas du tout des droits de l'homme à Cuba, un pays qu'il connaît bien car il y a séjourné et il a accueilli Fidel Castro lors de sa visite à Paris en 1995. Décidément, nos fringants ex-soixante-huitards ont la mémoire sélective,

vendredi 27 février 2009

Concert-portrait de Karim Haddad par l'Itinéraire

L'Itinéraire propose un concert-portrait de Karim Haddad le Mardi 10 mars 2009 à 19h30 à l'Auditorium Saint-Germain (4 rue Félibien – 75006 Paris).
  • No one to speak their names (now that they are gone) 2 clarinettes basses, trio à cordes et bande
  • Something always remains Flûte, 2 violons et grosse caisse …
  • Wo wollen wir bleiben ?... (Création mondiale) (In memoriam Mahmoud Darwich) Quintette à cordes
  • … And I have tried to keep them from falling. Trio à cordes
  • Menons Klagen unm Diotima Bande et vidéo
Je n'ai jamais entendu la musique de Karim Haddad (c'est le compositeur du jour). A en juger par l'extrait de la partition de Something always remains c'est un adepte des notations rythmiques complexes comme Brian Ferneyhough ou Brice Pauset. Il y a également des extraits en mp3 sur son site, qu'on peut écouter même si ça n'est pas la meilleure façon de découvrir un compositeur (surtout un compositeur contemporain).

jeudi 26 février 2009

Concert 1913 par l'Ensemble Intercontemporain à la cité de la musique

Dans la suite du cycle "1913" à la cité de la musique, l'ensemble inter-contemporain et la mezzo Ute Döring nous proposait un programme surtout axé sur la trilogie Viennoise Berg-Webern-Schoenberg, avec

  • Alban Berg: Quatre Pièces, op. 5, pour clarinette et piano
  • Anton Webern Six Bagatelles, op. 9, pour quatuor à cordes
  • Claude Debussy Syrinx, pour flûte
  • Charles Ives Quatuor à cordes n° 2. III.The Call of the Mountains
  • Maurice Ravel Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, pour mezzo-soprano et neuf musiciens
  • Arnold Schönberg Pierrot lunaire
La mise en scène est conçue pour que les premières pièces s'enchaînent, ce qui est vraiment une bonne idée: pas d'applaudissement ou autres bruits parasites pour distraire notre attention. Les pièces de Berg pour clarinette, que je découvre, sont de petits bijoux. Quant aux bagatelles de Webern, la salle des concerts de la cité de la musique est peut-être un peu grande pour qu'on en profite bien: elles sont fort bien jouées, par des musiciens qui ont l'habitude de jouer ensemble (et de jouer ce type de répertoire) mais ne constituent pas un "vrai" quatuor. Le quatuor de Charles Ives est complètement inclassable: au début les quatre musiciens jouent simultanément des parties différentes, comme s'ils étaient chacun dans son coin. Un tour de force contrapunctique. Puis un grand crescendo amène un sommet (le sommet de la montagne) puis une fin apaisée, aux harmonies extrêmement subtiles.

Ensuite ce sont les mélodies Ravel, entendues pas plus tard qu'hier dans la réduction pour voix et piano. Superbe interprètes, même si Ute Döring n'a pas la sensualité de Stéphanie d'Oustrac ni la même clarté dans la diction.

Après ces amuses-gueules tout à fait délectables, et un entracte, on passe au plat de résistance avec le Pierrot lunaire. Assez curieusement, la notice des programmes mentionne deux fois Boulez et son Marteau sans maître: c'est un peu comme si on parlait des symphonies de Beethoven en écrivant Anton Bruckner s'en est beaucoup inspiré, il a lui aussi écrit neuf symphonies et utilisé la forme sonate dans le Finale et le mouvement lent. Quoi qu'il en soit, on trouve dans Pierrot Lunaire une ironie, un charme viennois et décadent qu'on chercherait en vain dans le Marteau sans maître. C'est dans ce Pierrot Lunaire qu'Ute Döring déploie vraiment son talent. Je ne saurais trop dire comment elle a travaillé le fameux sprechgesang, ce chanté-parlé inventé par Schoenberg qui a fait couler tant d'encre, mais le résultat est très convaicant: on distingue bien la hauteur des notes, et le timbre est un mélange de voix parlée et de voix chantée. Si la couleur qui domine est comme il se doit une blancheur blafarde, on distingue bien d'autres couleurs dans chaque pièce, des contrastes, des ruptures. Le tout est très expressif, ou peut-être devrais-je dire expressionniste ?

De retour, discussion dans le métro pour savoir si ces oeuvres écrites il y a presque 100 ans sont contemporaines ou non. Le problème qu'il y a à les définir comme contemporaines est qu'on fige la notion de contemporain, et qu'on la restreint en quelque sorte à un style de musique particulier. C'est un débat qu'on a déjà eu dans ce journal, et ma préférence va à une définition plus neutre musicologiquement, et surtout plus ouverte: la musique contemporaine est l'ensemble de tout ce qui a été écrit durant ces 50 dernières années. Qu'on aime ou non leur musique, Schoenberg et Webern appartiennent désormais au répertoire, et leurs oeuvres sont devenus des classiques qu'on reprend de génération en génération.

mercredi 25 février 2009

Récital "1913" par Stéphanie d'Oustrac et Pascal Jourdan à la cité de la musique

La cité de la musique organise tout un cycle de concerts sur "1913, année de la rupture". Hier soir, la mezzo-soprano Stéphanie D'Oustrac et le pianiste Pascal Jourdan nous ont proposé une sélection de mélodies françaises écrites en 1913, certaines très connues et d'autres beaucoup plus rares. Au menu:

  • Jacques de La Presle: quatre mélodies. Une rareté, donnée en présence de la petite-fille du compositeur qui tente de faire revivre sa musique. Comme celle de Fauré, celle-ci reste très sage harmoniquement, avec de belles couleurs, notamment lorsque l'accompagnement du piano se déplace dans l'aigu.
  • Darius Milhaud: Trois poèmes en prose de Lucile de Chateaubriand.  écrites à l'âge de vingt ans, ces mélodies sont déjàt rès personnelles et très modernes, et pas sentimentales pour deux sous.
  • Maurice Ravel: on entend d'abord des pièces pour piano (à la manière de Borodine, Chabrier, etc). Le jeu de Pascal Jourdan n'a rien d'extravagant mais sa délicatesse de toucher correspond bien à la musique française,  et il respecte le texte scrupulusement (que demander de plus ?). Ensuite ce sont Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, délicat chef-d'oeuvre de celui qui avait déjà atteint la pleine maturité de son style avec Daphnis et Cholé.
  • Claude Debussy: Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, dont deux sur les mêmes texte que Ravel, d'une écriture beaucoup plus sobre mais pas moins efficace.
  • Lili Boulanger: Clairières dans le ciel. Si l'on reconnaît l'influence de Franck, Debussy ou Fauré dans telle ou telle pièce, ces mélodies raffinées et pleines de charme sont la révélation de de la soirée.
  • Gabriel Fauré: Nocturne n°11 pour piano, plutôt une élégie qu'un nocture à vrai dire, avec des harmonies tendues, dissonnantes, douloureuses assez inhabituelles chez Faurée, et une conduite des voix intermédiaire qui fait penser aux intermezzi de Brahms.
  • Louis Vierne: Stances d'amour et de rêve. Les deux premières mélodies font penser à Fauré ou Duparc, celle qui termine le concert (Le Galop) est une furieuse toccata pour piano, au-dessus de laquelle Stéphane d'Oustrac déploie toute sa puissance vocale.

En bis, on a droit à Chloris de Reynaldo Hahn, un délicat pastiche de musique baroque qui commence par une citation du célèbre aria de Bach (pour ceux qui seraient curieux de l'entendre, on peut la trouver sur Youtube chantée par P. Jaroussky), un pur moment de bonheur.

Quelques mots sur les interprètes: Stéphanie d'Oustrac a une belle présence en scène (l'habitude de l'opéra certainement). Elle dispose avec sa voix d'un superbe instrument d'une souplesse et d'une précision impressionantes. De la puissance, des aigus à volonté, mais aussi des pianissimos à couper le souffle. Une diction parfaite (on distingue chaque mot ce qui n'est pas si fréquent avec les voix féminines). Le tout au service d'un sens dramatique consommé, qui raconte chaque mélodie comme une histoire avec son rythme, ses personnages, ses coups de théâtre. Quant au pianiste Pascal Jourdan, si la fantaisie n'est sans doute pas sa première qualité, il déroule sous les pieds de la mezzo un tapis sonore moelleux et l'enveloppe dans un délicat voile de gaze. Au final, ne chipotons pas, ces deux artistes nous ont offert un magnifique récital, comme on aimerait en entendre plus souvent.

Si la rupture annoncée dans le programme n'est guère perceptible dans cet instantané de la mélodie française en 1913, on y trouve les meilleures qualités de la musque française: le raffinement des harmonies, la délicatesse des couleurs, le soin apporté aux détails.

dimanche 22 février 2009

Récital piano-violoncelle lundi 23 février 2009 à l'ENS

Une annonce du Département Histoire et Théorie des Arts de l'ENS:


Bonjour à tous,

j'ai le plaisir de vous informer que la violoncelliste Clara Zaoui et la pianiste Xenia Maliarevitch donneront un récial en salle des Actes (ENS 45 rue d'Ulm Paris), le lundi 23 février, à 21h.

Lauréates de nombreux prix internationaux, Clara Zaoui et Xenia Maliarevitch se produisent très régulièrement en duo, en France comme à l'étranger. Elles ont été invitées par de nombreux festivals - "Piano en Saintonge" (Abbaye-aux-Dames de Saintes), Grand théâtre de Fontainebleau, festivals de Brescia et du Lac de Garde en Italie, Kulturnacht de Tübingen en Allemagne, etc. Régulièrement invitées à se produire sur les ondes de France Musique, Clara Zaoui et Xenia Maliarevitch ont notamment participé à l'émission "Dans la cour des grands", animée par Gaëlle le Gallic.

Au programme de ce récital, les Sonates de Debussy et Chostakovitch, ainsi que le Grand Tango de Piazzolla.

L'entrée du concert est libre, dans la limite des places disponibles. Le concert sera, comme d'habitude, suivi d'un pot.

Au plaisir de vous y retrouver nombreux !

Un secret de polichinelle

Tous les altistes connaissent ces deux concertos, car ils ont à un moment ou un autre de leur scolarité eu à les travailler. Celui de Jean-Chrétien Bach et celui de Haendel. Des classiques. Des valeurs sûres.

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mercredi 18 février 2009

Un fond de paysage triste et glacé...

Claude Debussy l'a soigneusement indiqué sur la partition de son 6è prélude pour piano, Des pas sur la neige: ce rythme doit avoir la valeur sonore d'un paysage triste et glacé. Mettons donc le métronome au rancart, et contemplons nos jardins enneigés (en ce moment ça n'est pas la neige qui manque) pour trouver la bonne pulsation.

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