samedi 30 mai 2009

Comme vous le voyez...

On travaille dur pour le concert KABrass du 13 juin prochain.

Surtout le compositeur !


(merci à Catherine pour les photos)

Pastorale de Pesson bientôt au Châtelet

Les créations à l'Opéra sont suffisamment rares à Paris (et ailleurs dans le monde) pour qu'on les salue comme il se doit. Le théâtre du Châtelet et le festival Agora proposeront bientôt (du 18 au 26 juin 2009) Pastorale, de Gérard Pesson, sur un livret de Martin Kaltenecker, Philippe Beck et Gérard Pesson tiré du roman L'Astrée (1607-1627) d'Honoré d'Urfé. Jean-Yves Ossonce tiendra la baguette et Pierrick Sorin met en scène. Apparemment c'est l’Opéra de Stuttgart qui a commandé cette oeuvre, mais elle n'a créé en 2006 qu'en version de concert (ils sont fous, ces allemands).

Gérard Pesson, qui est maintenant professeur au Conservatoire de Paris, est pour faire vite un adepte de la dé-construction en musique. Comme l'écrit Martin Katlenecker sur le site de l'IRCAM:

Pesson a marqué une distance par rapport à une musique post-moderne qui voudrait simplement restaurer l’ordre tonal, mais aussi par rapport au courants post-sériel et spectral, quand ceux-ci se rencontraient dans une sorte de fascination pour une musique brillante, immédiatement efficace. Pesson restait dubitatif devant ce qu’il appellera la « maîtrise instrumentale », la « santé et la biensonnance », la « musique étincelante, heureuse » ou encore l’ « efficacité » de certains français contemporains.

Un ami décrivait ce style de musique comme étant l'équivalent de la cuisine moléculaire en gastronomie: autrement dit, du boeuf-carottes sans boeuf et sans carottes. Mais il ne faut pas juger les compositeurs sur les choix esthétiques (et ce d'autant plus qu'on a fait des choix esthétiques différents), et encore moins sur le bla-bla des experts, des connaisseurs, des musicologues ou de l'auteur de ce Journal. Il faut juger la musique avec les oreilles, et c'est pourquoi je vous engage à prendre des places pour vous faire un avis pas vous-mêmes. Et si jamais par malheur vous trouvez la musique aussi moche que l'affiche (qui est fort laide, il faut bien le reconnaître), on pourra toujours vous répondre: La musique doit-elle être belle ? question qui pourrait faire un bon sujet pour le Concours Général de philo et qui offre une très bonne chute à ce billet.

jeudi 28 mai 2009

Hommage à Jacques de la Presle (27 mai 2009)

Entendu hier, un concert voix violoncelle piano au temple de l'Etoile à Paris, avec l'excellent L'Oiseleur des Longchamps (baryton), dans un programme on ne peut plus rare car il permettait d'entendre des mélodies de Jacques de La Presle, qui sont encore plus rarement données que celles de Gabriel Dupont (dont pourtant les Carnets sur Sol font une publicité éhontée), mais aussi d'autres pièces rares de Pierre de Bréville, Armande de Polignac, Pierre Thilloy, Théodore de Lajarte, Antony Choudens. Sans compter d'illustres inconnus comme Hector Berlioz ou Georges Bizet

Je vous renvoie au billet de Simon Corley sur ConcertoNet pour une présentation plus exhaustive. L'enthousiasme modéré du critique peut hélas s'expliquer sans peine par la qualité dramatique de l'acoustique du temple de l'Etoile, qui noyait le piano et faisait disparaître le violoncelle dans un brouillard de résonance dont l'épaisseur n'avait d'égal que la dureté des bancs. Par une sorte de miracle dont seule la diction parfaite de L'Oiseleur des Longchamps est capable, on percevait très bien toutes les paroles.

Ayant enregistré le concert, j'ai été surpris par la grande différence entre ce qu'on entend sur la bande: le son du violoncelle est chaud et timbré, l'équilibre entre les trois musiciens est parfait, et ce que j'ai entendu hier au soir, étant placé seulement à 6 ou 7 mètres des musiciens: tout était brouillé, cotonneux, on devinait plus qu'on entendait le violoncelle. C'est un triste constat que j'ai pu faire lors de nombreux concerts avec Ut Cinquième: une salle de concert est un instrument de musique, et la qualité du concert dépend de manière cruciale de la qualité de cet instrument. Et les églises parisiennes, quelles que soient leurs qualités architecturales, sont pour la plupart d'entre elles de très pauvres instruments de musique. Que n'a-t'on pu entendre les mêmes interprètes dans le même programme salle Gaveau ou encore à l'auditorium du Louvre ! Nous aurions pu mieux goûter les nuances de ces mélodies françaises dont l'émotion tient souvent à des détails impalpables, et la grande qualité des interprètes.

Compte tenu de ce handicap, il faut reconnaître un certain mérite au public qui est venu nombreux, a écouté de manière très attentive, sans interrompre les pièces d'un cycle, et pour finir a énergiquement réclamé deux bis, dont la Habenara de Carmen, plutôt inhabituelle mais très réjouissante dans un arrangement baryton-violoncelle-piano.

Il faut aussi, last but not least, saluer la redécouverte des mélodies de La Presle, qui ont leur place dans le répertoire à côté de celles de Fauré, Ravel, Debussy mais aussi Honegger, Widor, Dupont, Hahn, et tant d'autres. Et souhaiter que le projet de les graver au disque se concrétise.

lundi 25 mai 2009

L'ensemble Charles Koechlin fête ses cinquante ans

Samedi 13 juin 2009 à 15h00

Temple Saint Marcel

24, rue Pierre Nicole – 75005 Paris

(RER : Port Royal)

Concert du cinquantenaire

de

l'Ensemble Instrumental Charles Koechlin

 

B. BARTOK                Danses roumaines

                                      transcription pour quintette à vent

 

A. DVORAK                Quintette à vent en fa majeur

                                      transcription du quatuor américain

 

          

C. KOECHLIN            Trio

                                      pour flûte, clarinette et basson

 

W-A. MOZART           Quintette en mi bémol majeur KV 452

                                      pour piano et vents

 

Un cocktail sera donné à l’issue du concert

pour fêter le cinquantenaire de l’ensemble

 

Libre participation aux frais

mercredi 20 mai 2009

Intégrale des sonates de Schubert à l'Archipel

Alfref Brendel a maintenant pris sa retraite, mais heureusement nous ne manquons pas de bons pianistes pour jouer Schubert. Du 18 au 26 mai, l'Archipel propose une intégrale des sonates pour piano avec des interprètes tout à fait recommandables: Hélène Couvert, Christie Julien, Alexandre Léger, Ferenc Vizi, Sodi Braide et Rebecca Chaillot. De quoi s'enivrer des divines longueurs schubertiennes.

Gratuité, Hadopi et musique en ligne: la réponse de Zig-zag territoires à Jacques Attali

Jacques Attali avait fait parler de lui il y a quelque temps avec un article dénonçant une loi scandaleuse et ridicule. Il est exact que la loi Hadopi est scandaleuse et ridicule, notamment car elle est contraire au droit européen (selon lequel la coupure d'accès à Internet doit relever de la décision d'un juge et non d'une autorité administrative), disproportionnée dans les sanctions, et probablement inapplicable. Mais emporté un peu par son élan, et un brin démagogue, il prenait le parti des internautes qui trouvent que tout la musique du monde gratuit quand je veux c'est tout de même assez sympathique. Certains n'ont pas manqué de lui suggérer de mettre le PDF de ses 40 livres sur les réseaus de peer-to-peer, puisqu'il paraissait si généreux avec le droit d'auteur des autres. Et l'on peut même prédire que dans 5 ans, lorsque le livre électronique (comme le Kindle d'Amazon qui se vend très bien aux Etats-Unis) se sera généralisé et que l'industrie du Livre souffrira le même martyre que celle du disque au tournant des années 2000, M. Attali signera pétitions, lettres ouvertes et autres tribunes pour se plaindre que "le piratage tue le livre et les auteurs".

La réponse des fondateurs du label Zig-zag territoires est beaucoup plus sensée et profonde que l'article qui l'a suscité, beaucoup moins polémique également:

Tout travail de l’esprit, les livres comme nos disques, doit s’inscrire dans une valeur d’échange. La gratuité de la radio comme du web ne nous choque pas autre mesure, ce qui nous choque c’est d’oublier qu’il y a autre chose que la radio, le web ou les ipod et que ce temps personnel sera toujours désiré et essentiel pour rester des êtres sensibles, ouverts aux autres et donc qu’il y a la place pour désirer acheter les disques ou les livres nécessaires à cette recherche de sens, de cohérence personnelle.

Ceux pour qui la musique est une véritable passion et non un simple divertissement peuvent donc être un peu rassurés: ils ne sont pas seuls au monde, et le micro-marché des disques de qualité pour amateurs de beauté musicale survivra sans doute à la tempête qui ravage les majors.

Monographie Karol Beffa: compte-rendu d'écoute

Nous avons évoqué la sortie d'un disque monographique consacré par Triton à Karol Beffa il y a peu de temps dans ce Journal. Quelle impression s'en dégage ?

  • Les ombres qui passent, écrit au départ pour alto, clarinette et piano, capté ici dans la version pour violon, alto et piano, a des couleurs mélancoliques. Les basses enveloppantes du piano et le son généreux de Geneviève Laurenceau et Arnaud Thorette font penser à un trio pour piano romantique, qu'on pourrait presque croire écrit par Brahms, le langage harmonique étant tout de même plus moderne. Deux mouvement lents et méditatifs encadrent un scherzo central énergique et dissonant, où l'on ne trouve tout de même pas la même violence que chez Chostakovitch ou Greif par exemple.
  • Mirages pour deux pianos (avec la participation du compositeur) reste dans la même atmosphère doucement mélancolique, aux harmonies raffinées.
  • Suppliques pour violon seul, est assez nettement écrit en sol mineur (une tonalité naturelle au violon, qui permet d'utiliser les cordes à vide), ainsi que les deux Masques écrits en miroir pour violon et violoncelle, écrits pour les frères Capuçon qui les avaient déjà enregistrés.
  • Manhattan pour alto et piano est (une version remaniée de ?) Metropolis déjà enregistré par le duo Thorette-Farjot. Karol Beffa ayant eu la gentillesse de m'envoyer la partition de cette pièce qui n'est pas encore éditée, j'ai pu l'étudier et la travailler un peu, mais pas encore la donner en concert. Avec une belle énergie rythmique, cette pièce développe un court motif entendu au début en un grand crescendo qui amène une conclusion fracassante. Cette pièce se détache un peu du reste du disque, au caractère rêveur, aux tempi plutôt lents et aux couleurs sombres.
  • Pour terminer on a droit à une petite douceur: Milonga, un faux tango dans le style de Piazzola et plus vrai que le vrai, arrangé par Arnaud Thorette, où l'altiste s'amuse à utiliser des modes de jeu bizzares issus de la musique contemporaine (col legno, son écrasé, ...) afin de pimenter un peu l'interprétation. Très réussi, très accessible et très raffiné en même temps. Et aussi un clin d'oeil à son disque précédent, des tangos enregistrés chez zig-zag territoires pour notre plus grand bonheur.

mardi 19 mai 2009

KAbrass en concert le 13 juin 2009 à Paris

Voici l'annonce du prochain concert de KABrass, qui vous permettra d'entendre mes Petites Fanfares Célestes pour la première fois:


L’ensemble de cuivres KABrass, sous la Direction de Xavier-Romaric Saumon sera en concert le samedi 13 juin à 20h30 à La Chapelle Notre Dame des Anges (Paris 6ème). Au programme:

  • Stardust (Hoagy Carmichael)

  • London Miniatures (Gordon Langford)

  • Mexican Hat Dance (trad.)

  • Petites Fanfares Célestes (Patrick Loiseleur,  en création française)

  • Jive Concerto (Jeffrey Agrell)

Original par sa taille et son genre (4 trompettes, 4 trombones, 1 cor et 1 tuba), et par le côté international de ses membres (France, Etats-Unis, Chili, Chypre, Australie), cet orchestre permet de mettre les cuivres sur le devant de la scène et de faire découvrir la grande diversité de ces instruments.

Chapelle Notre-Dame des Anges

102 bis rue Vaugirard – 75006 Paris

Métros : Montparnasse Bienvenüe (4, 6, 12, 13)




La photo ci-dessous vous permet d'apprécier la grande élégance des messieurs qui composent KABrass, mais si vous venez les écouter, vous aurez également l'occasion de réviser certains préjugés que vous pourriez avoir sur la musique pour cuivres. La beauté et la variété des couleurs, la plénitude du son, les grandes possibilités expressives de ces instruments et l'enthousiasme des musiciens m'ont beaucoup séduit et motivé pour écrire ces Petites Fanfares Célestes, qui en fin de compte ne sont pas si petites car elles comportent 5 mouvements et durent près de 20 minutes.

En bref, venez nombreux !

samedi 16 mai 2009

L'introduction à Jean-Sébastien Bach enfin rééditée

On a du mal à le croire, mais cela fait plus de 20 ans que l'Introduction à Jean-Sébastien Bach de Boris de Schloezer est introuvable en librairie. Les Presses Universitaires de Rennes s'apprêtent à rééditer ce texte majeur, certainement un des plus profonds et des plus passionnants qu'il m'ait été donné de lire sur la musique.

La question que se pose Boris de Schoezer est la suivante: mettons que j'écoute le prélude en mi bémol BWV 878 du Clavier bien tempéré, joué au piano par Glenn Gould ou bien par Hans-Georg Shäfer, ou encore au clavecin par Daniel Benn. Qu'est-ce que j'écoute exactement ?  Est-ce bien la même oeuvre que j'entends jouée de manière si différente ? Un interprète ne le jouera jamais deux fois exactement de la même façon. Et même si j'écouter le même enregistrement deux fois de suite, ma perception est différente la deuxième fois du fait même que je l'ai déjà entendu une première fois. En fin de compte, existe-t-il réellement un objet appelé Prélude en mi bémol BWV 878 ? Boris de Schoezer répond par l'affirmative après avoir soigneusement et systématiquement réfuté la thèse subjectiviste qui dit qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il développe des notions comme la connaissance érotique de l'oeuvre, qui justifient qu'on puisse dire: j'aime ce Prélude.

L'édition poche que je garde préciseusement dans ma bibliothèque commence par une préface du compositeur André Boucourechliev qui explique que ce livre a servi de manifeste à toute une génération de compositeurs d'avant-garde dans les années 1950, car on y trouve une théorie  de l'oeuvre et de l'écriture musicale indépendante de l'enseignement traditionnel. Il a sans doute également contribué à la redécouverte de l'oeuvre de Jean-Sébastien Bach, qui n'est véritablement sortie d'un long purgatoire d'oubli et d'indifférence qu'à partis des années 1950, grâce à l'avènement du disque en particulier.

Soulignons enfin que l'Introduction à J-S Bach est écrite dans une langue dont la pureté ferait rougir beaucoup de nos romanciers à la mode ou de nos philosophes familiers des plateaux de télévision. Il convient donc de saluer cette réédition et même de souhaiter qu'on la trouve rapidement au format poche dans toutes les bonnes librairies.

(à lire également: la fiche du site musicologie.org)

jeudi 14 mai 2009

Hypermusic prologue

Un nouveau type d'opéra, aux frontières de l’art et de la science. C'est ainsi que le programme de l'ensemble inter-contemporain définit l'oeuvre lyrique qui sera donnée en création le 14 juin 2009 au Centre Pompidou, qui s'appelle Hypermusic prologue - A projective opera in seven planes.

On peut d'ailleurs écouter sur YouTube une interview de l'auteur du livret, une physicienne du nom de Lisa Randall. De ce que j'ai compris, le pitch c'est un homme et une femme qui parlent d'astrophysique. Un sujet passionnant, à n'en pas douter, mais comment en tirer un sujet dramatique, avec de l'émotion, de l'action, du suspense, de l'amour, de la haine, de la politique, des traîtres, des décors de carton-pâte, des ténos héroïques dont l'amour pour la belle soprano est toujours contrarié, bref tout ce que l'on aime au théâtre et à l'opéra ? A regarder l'interview, on peut craindre hélas que Lisa Randall ait confondu écriture dramatique et vulgarisation scientifique, le risque étant de produire un livret encore plus ennuyeux que celui de l'Autre Côté, ce qui n'est pas peu dire.

Reste la musique, écrite par Hèctor Parra, un jeune compositeur espagnol dont les concerts-performances mêlent danse, vidéo, musique et théâtre, que je n'ai pas encore eu le bonheur de découvrir. Le mieux est sans d'aller l'écouter le 14 juin.

mercredi 13 mai 2009

Trisam Meine Liebe

Les sons déjà couchés dans leur cercueil d'ivoire,
N'excusent qu'un moment ta fièvre et ma pâleur;
Assez; plus de baisers; la chair est sans mémoire;
Tout amour prolongé se résorbe en douceur

Happés diversement par l'immensité noire,
Repoussons, dégrisés, ce fascinant malheur;
Goutte à goutte épanché sur l'obscur auditoire,
Le son du violon roule encor comme un pleur.

N'accuse ou ne bénis que ce complice immense.
Le cœur déjà s'épuise et vivre recommence;
Le nocturne reflux ne nous joint qu'un instant.

Je ne dis pas c'est lui. Ne dis pas ce fut elle.
Tombe, oubli, noir velours, sur la scène immortelle :
Je n'ai fait cette nuit que céder à Tristan.

(Marguerite Yourcenar, in Les charités d'Alcippe, 1930)

(Patrick Loiseleur, Poème I d'après Marguerite Yourcenar, joué par Mathieu Prévot, piano, Olivier Tholliez, clarinette, Patrick Loiseleur, alto)

lundi 11 mai 2009

Bach et Mendelssohn le 16 mai 2009 à St Merri

Samedi 16 mai 2009 à 20h, à l'Eglise Saint Merri (76 rue de la Verrerie 75004 Paris), l'ensemble Asser Bach Cantategroep, sous la direction de Paulien Kostense, propose un concert avec Ellen Giacone (soprano) et Job Hubatka (baryton). Au programme:
  • Félix Mendelssohn-Bartholdy: cantate « Wer nun den lieben Gott läßt walten »
  • Johann Sebastian Bach: cantates BWV 82 « Ich habe genug »
  • BWV 227 « Jesu, meine meine freude »
  • BWV 67 « Hält im Gedächtnis Jesum Christ »

dimanche 10 mai 2009

L'art de la répétition ('In C', de Terry Giley)

L'art de la répétition est inséparable de celui de l'assemblage des sons. Ecrire de la musique est avant tout choisir où, quand et comment on va répéter les idées rythmiques, mélodiques et harmoniques. On pourrait écrire une histoire de la musique en décrivant uniquement la manière de chaque compositeur et de chaque époque pour se répéter. Nous n'allons pas refaire l'histoire de la musique dans ce billet, mais on peut donner quelques exemples:

  • Dans la chanson populaire ou savante, le refrain est toujours répété une ou plusieurs fois. Nous laisserons à David Le Marrec le soin de faire la classification complète (rondo, lied strophique, thème et variations, forme ABA, AABA, ABACA, etc)
  • Le contrepoint, le canon et la fugue sont des principes de répétition, comme on peur le voir dans le choeur final de la messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach dans une version très originale et didactique:
  • Le développement beethovénien est lui aussi basé sur la répétition de motifs simples, comme le célèbre pom-pom-pom-pom de la cinquième symphonie:
  • Enfin, il faut mentionner ceux qui ont une sainte horreur de toute forme de répétition, comme Anton Webern:

En quatre cents ans de musique occidentale, il semblait donc que toutes les manières de se répéter ou de ne pas se répéter avaient déjà été explorées lorsqu'en 1964, Terry Giley composa In C  (En Do majeur), une oeuvre généralement considérée comme fondatrice de la musique minimaliste répétitive américaine. C'est pourtant bien quelque chose de tout à fait nouveau qui va sortir de ce qui n'était qu'une expérimentation au départ, et une oeuvre de circonstance écrite en quelques jours pour clôturer un festival en permettant à tous les musiciens de jouer ensemble.

De quoi s'agit-il ? Le plus simple, même ceux qui ne savent pas lire les notes, est de regarder la partition, qui tient en une page. Elle comporte 53 motifs de longueur inégale. Chaque musicien, qui démarre quand il le souhaite, doit jouer chaque motif autant de fois qu'il le veut, avant de passer au motif suivant. La notice précise que les musiciens peuvent aussi observer des instants de silence. La seule consigne est de ne pas revenir en arrière et bien sûr le plus important est d'écouter les autres musiciens pour interagir avec eux. Le nombre idéal de musiciens est 35, mais on peut jouer In C sur tous les instruments et avec presque tous les effectifs. La durée peut varier d'un quart d'heure à 3 heures, selon l'inspiration...

D'accord pour le concept, me direz-vous, mais qu'est-ce que cela donne à l'oreille ? On trouve un certain nombre de versions sur YouTube, certaines bien meilleures que d'autres, ce qui prouve que pour cette musique comme pour toute autre la qualité de l'interprétation n'est pas un paramètre secondaire. La version qui a ma préférence est le premier enregistrement réalisé pour le disque:

Mes impressions d'écoute:

  • ça sonne étonnamment bien !
  • bien joué, avec des musiciens qui s'écoutent entre eux, ça n'est pas ennuyeux du tout
  • on distingue des textures sonores qui se tranforment progressivement, avec de temps en temps un soliste qui se dégage
  • c'est beaucoup plus original et inventif que toute l'oeuvre de Philippe Glass et consorts que je trouve à mourir d'ennui
  • ça fait complètement exploser les barrières traditionelles entre musique écrite ou improvisée, savante ou populaire, tonale ou atonale (la couleur harmonique initiale est do majeur mais elle ne cesse de se transformer ensuite)
C'est un vrai chef-d'oeuvre qui a connu immédiatement un grand succès mais n'est pas si connu que ça de notre côté de l'Atlantique. Aux Etats-Unis il est fréquent de jouer cette pièce à l'école en classe de musique, ce qu'on ne fait pas en France à ma connaissance.

Pour approfondir, on peut visiter le site de Terry Giley, lire l'article qui lui est consacré sur Neosphères, ou encore la série d'interviews (en anglais) consacrées à In C sur le site du Kronos Quartet qui a fait partie des créateurs en 1964 et entretenu une longue relation avec le compositeur.

vendredi 8 mai 2009

Sombres pensées

Que je suis à plaindre ! j'ai perdu tout ressort, et je suis tombé dans un abattement qui ne m'empêche pas d'être inquiet et agité. Je ne puis rester oisif, et cependant je ne puis rien faire. Je n'ai aucune imagination, aucune sensibilité pour la nature, et les livres m'inspirent du dégoût. Quand nous nous manquons à nous-même, tout nous manque.

(Goethe, les souffrances du jeune Werther)


(Sombes pensées, de Patrick Loiseleur, pour violoncelle seul, interprété par Benoît Stroh)


(Melancolia, Domenico Feti)
La forme de ce billet (une citation littéraire, une reproduction de tableau et un petit bout de mp3) est un clin d'oeil au blog de Didier da. Je tiens par ailleurs à remercier Benoît Stroh pour la qualité de son travail qui a fait de la création de ces Sombres pensées un grand moment. La partition est disponible ici.

mercredi 6 mai 2009

Hadopi: épisode 138

La loi Hadopi continue à faire parler d'elle. D'abord les députés européens décidément têtus ont réusi à inclure (après un vote à 404 voix contre 57) l'amendement 138 dans le paquet télécom. Cet amendement déclare illégale toute coupure d'accès à internet par un Etat ou une Entreprise. Ce n'est pas une surprise et ça n'est qu'un épisode du feuilleton car maintenant le Conseil Européen (les 27 chefs d'Etat) ont le choix entre adopter le paquet ou provoquer une troisième lecture.

Côté français, Libé faisait sa une ce matin sur le divorce entre le PS et les artistes (dont une grande majorité affiche sans ambage sa sympathie pour la gauche). Le comédien Pierre Arditti dénoncait par exemple l'anti-sarkozysme compulsif du PS qui le conduit à prendre le parti des pirates contre celui du respect du droit d'auteur. Et l'éditorial nous ressert le vieux ragoût cent fois réchauffé de la licence globale. J'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais. Quel sens peut avoir un système de redistribution centralisé et franco-français alors que l'Internet est décentralisé et de dimension mondiale ? A qui reverser l'argent de la licence globale ? En comptant les pirates ? Et comment ? Et pour les producteurs des autres pays, comme ceux qui font les séries télé américaines, qui sont massivement piratées ? Vont-il bénéficier de l'argent de la licence globale ? Et si les Américains ne veulent pas que les députés français négocient leurs droits d'auteur à leur place en autorisant les internautes français à télécharger ? Pas besoin de creuser bien longtemps pour voir qu'un système étatiste (ou crypto-étatiste façon SACEM) ne pourrait être en pratique que synonyme de gaspillage et d'injustice. Et si le téléchargement devient légal, outre que c'est une révolution dans le droit d'auteur, c'est aussi la meilleur manière de tuer l'offre payante et "légale" de musique, films, et jeux vidéos à télécharger.

Dans cette affaire, droite et gauche se comportent comme leurs propres caricatures:

  • la droite répressive qui brandit le bâton d'une coupure d'accès aussi coûtreuse qu'inefficace, jugée contraire au droits fondamentaux par les députés euréopes, et qui ne remplira les poches des gendarmes de l'Internet, pas celle des artistes
  • la gauche angéliste et puérile qui se fait plaisir avec des incidents de procédure aussi ridicules qu'inutiles et qui sans oser dépénaliser les violations du droit d'auteur voudrait créer une nouvelle taxe façon copie privée.

Au centre, le franc-tireur Bayrou qui arrose tout le monde. C'est pourtant du centre que pourrait émaner des propositions inventives et constructives pour sortir de l'ornière. Je ne vais pas faire le boulot des députés à leur place, mais voici quelque pistes:

  • réaffirmation du droit d'auteur et de la nécessité pour les pouvoirs publics de le faire respecter sur Internet comme ailleurs
  • abandon de la coupure d'accès à Internet au profit d'une amende (déjà proposé par un député de droite, et refusé par le gouvernement...)
  • étude sur le rapport coût d'une solution répressive type Hadopi, rapporté aux avantage économique escomptés.
  • développement d'un nouveau type de commandes d'Etat aux artistes (je pense ici plus spécifiquement aux musiciens), le résultat de ces commandes étant mis sur Internet gratuitement.
La dernière proposition est sans doute la plus audacieuse, celle qui se rapproche le plus d'un système de licence globale même si elle ne constitue pas un permis de télécharger tout et n'importe comment. La logique est toute simple: si on dépense l'argent du contribuable pour payer le travail d'un artiste, pourquoi ne pas utiliser Internet pour faire partager le résultat de ce travail avec le plus grand nombre ? Certes, me direz-vous, mais ce système existe déjà, il s'appelle Radio France (dont toutes les émissions sont téléchargeables gratuitemet en podcast). Mais on pourrait le développer un peu plus, et créer un média davantage orienté vers l'Internet.

Sonates pour piano de Schubert par Sodi Braide

Entendu hier à l'ENS, le pianiste Sodi Braide dans un programme tout Schubert.

  • D'abord la sonate en mi bémol majeur D568 (1817). Écrite par un jeune homme de vingt ans (mais Schubert a-t-il jamais été autre chose qu'un jeune homme ?), avec quelques maladresses charmantes dans un esprit déjà très schubertien. Joué par Sodi Braide avec simplicité et délicatesse, en utilisant très peu la pédale forte du piano (et  beaucoup plus souvent la pédale una corda). Un mouvement lent très chantant, dont on a un peu de mal à suivre les sinueux développements.
  • Ensuite la sonate en ut mineur D958 (1828). Une oeuvre de la maturité, et même de la fin. D'une force et d'une ampleur toutes beethovéniennes, cette sonate me fait penser au 15e quatuor. Plus engagée, plus physique, plus rapide aussi que dans l'autre sonate, l'interprétation de Sodi Braide garde une grande clarté. On pourrait bien sûr discuter de détails techniques ou de choix d'interprétation mais tout ce qu'il joue est profondément et intensément ressenti, et c'est bien là l'essentiel. Dans de telles conditions, les divines longueurs schubertiennes sont moins longues et plus divines que jamais.
Les sonates de Schubert nous sont à la fois familières et peu connues, un peu comme un cousin proche qu'on aimerait beaucoup mais qu'aurait un peu perdu de vue. Moins souvent jouées en concert que les pièces courtes du même Schubert (Impromptus, Moments Musicaux) ou que les sonates de Beethoven, elles gagneraient à être mieux connues, surtout celles de la maturité.

Les Parisiens auront la possibilité d'entendre à nouveau Sodi Braide, qui participe à l'intégrale des sonates Schubert donnée à l'Archipel à partir du 18 mai 2009, en compagnie d'autres pianistes tout à fait recommandables: Hélène Couvert, Christie Julien, Alexandre Léger, Ferenc Vizi et Rebecca Chaillot.

lundi 4 mai 2009

Un concours de lutherie dédié à l'alto

L'association franco-européenne de l'alto, qui gère entre autre le site Alto en ligne organise un Concours de Lutherie au Conservatoire Régional de Paris du 6 au 8 novembre 2009. Le mot de "concours" est peut-être mal choisi dans la mesure où les Prix sont purement honorifiques. Sachant qu'il faut en plus pour les luthiers candidats payer 50 euros de droit d'inscription, le transport et l'assurance de l'instrument qu'ils présentent, pas sûr que les candidats se bousculent au portillon. Il reste tout de même pour eux l'opportunité de faire connaître leur travail ou de rencontrer des musiciens. Pour les altistes, il y aura sans doute moyen de voir et d'essayer les instruments présentés au CRR de Paris durant les trois jours du concours. Et pour le public, le concert de clôture le dimanche 8 novembre 2009 à 14h30 permettra d'entendre la fine fleur des altistes français en solo, duo, quatuor et autres.

dimanche 3 mai 2009

Zimerman boycotte les Etats-Unis

Les scandales sont une chose plutôt rares dans le monde feutré de la musique classique, où l'on croise plus de smokings et robe de soirée que de blousons de cuir. Outre le fait que s'assoir en silence dans un lieu à l'acoustique spécialement étudié pour écouter des musiciens est un signe de civilisation parmi les plus exquis qui soit, le niveau stratosphérique atteint par les artistes et le caractère (trop) prévisible d'un répertoire bien connu et pas assez renouvelé réduisent encore les possibilités de mauvaises surprises. Au point qu'un éternuement malencontreux ou la sonnerie d'un téléphone portable étourdiment oublié sont souvent l'évènement le plus désagréable qu'on risque de subir.

Aussi c'est une mini-bombe médiatique que Krystian Zimerman a lancé en déclarant lors d'un récital à Los Angeles, dans le Walt Disney Hall (ça ne s'invente pas), qu'il ne jouerait plus aux Etats-Unis pour cause de désaccord avec leur politique étrangère. D'après le blog de Jessica Duchen, le projet de bouclier anti-missile sur le sol Polonais ferait partie des griefs, mais le centre de détention de Gantanamo Bay a été également mentionné...

Le public a réagi diversement: certains sont partis, d'autres ont siffé ou crié "music, music !" ou encore "shut the f*ck up !". Ceux qui sont resté ont applaudi chaleureusement à la fin du récital. Un peu moins à chaud, les réations des internautes sont partagées elles aussi. Beaucoup soutiennent qu'un artiste n'a pas à transformer un récital en tribune politique, qu'on le paye pour se la boucler et jouer, point barre. Je penserai plutôt du côté de Jessica Duchen qui demande: si les artistes de premier plan ne se mobilisent pas pour les causes dignes d'êtres soutenues, qui le fera ? Chopin, Liszt et bien d'autres se sont mobilisés plus d'une fois. Faut-il rappeler que Lizst a composé en 1832 une pièce pour la défense des canuts (les ouvriers du textile) de Lyon qui s'étaient révoltés contre leurs employeurs ? Ou que Chopin a composé en 1831 son étude révolutionnaire pour manifester sa solidarité avec les Polonais ayant participé à l'insurrection de Novembre ?

Comme le rappelle Noémie Lefevre dans son essai Mémoire de l'art et musique engagée, la notion de musique engagée  est toute romantique, la musique étant par nature abstraite et universelle, et donc moins susceptible de connotations politiques que la littérature ou les arts plastiques. Mais l'engagement des musiciens est de tout temps. Il peut prendre de nombreuses formes, comme les concerts gratuits dans les écoles, les hopitaux, les prisons, ou la collecte de fonds pour une association. Et si parfois un musicien s'aventure à soutenir une cause politique par nature non consensuelle, il arrive bien plus souvent que les musiciens soient ambassadeurs de paix et acteurs du dialogue entre les nations.

Reste une question: pourquoi maintenant ? Y a-t-il eu un déclencheur qui a poussé Krystian Zimerman à décider brutalement de cesser ses concerts aux Etats-Unis, alors même que l'arrivée d'Obama au pouvoir promet des inflexions sur les sujets qui fâchent les Européens ? On sait qu'il y a quelques années, son piano (un magnifique Steinway D modifié par ses soins) a été détruit par les douaniers idiots ou paranoïaques de l'aéroport JFK au prétexte que la colle avait une odeur suspecte. Y a-t-il eu un autre incident plus récemment ? Et pourquoi faire un esclandre devant les Californiens qui sont plus ouverts et beaucoup plus proches des Européens que la moyenne des Américains ? Quoi qu'il en soit, on ne peut que soutenir ZImmerman, la politique étant en démocratie la résponsabilité de tous les citoyens et pas l'apanage de quelques-uns. Le jour où les musiciens seront remplacés par des robots sans âme et sans conscience, qui joueront sans ouvrir la bouche dans toutes les salles du Monde, on devra vraiment s'inquiéter. Ce jour n'est peut-être pas si loin d'ailleurs...

vendredi 1 mai 2009

Record battu

Envoyé ce matin pas des amis, deux vidéos dont la rencontre fortuite a quelque chose de frappant. D'abord un gymnaste russe qui fait un double salto avant qu'on ait pu dire ouf, et qui pourrait donner des cours à n'importe quel danseur de hip hop:

Puis une autre performance, tout aussi athlétique, le vol du bourdon de Rimsky-Korsakoff, arrangé par Cziffra, joué par Hyun-Jung Lim:

Si ça continue à ce train-là, faudra-t-il imposer des contrôles antidopages aux pianistes ? poser des radars automatiques sur qui flasheront les musiciens au-delà de 130 à la noire ? Faire passer des contrôles techniques aux Steinway comme on le fait pour les Formule 1 ? Organiser un concours Lucky Luke du violoniste qui dégaine le plus vite ? Ou bien remplacer les auditeurs par un chronomètre ? Ne riez pas il y a des gens qui l'ont fait pour la télé anglaise:

Ils sont fous, ces anglais.

lundi 27 avril 2009

Les Trouvères de l'ENS s'essaient au jazz

Concert de jazz à l'ENS demain soir, l'annonce vient d'arriver:


Malgré des problèmes de liste de diffusion, de salle, de clé, des longueurs pour placarder les affiches... - bref tout ce qui caractérise un club - le club Trouvères est fier de vous proposer un concert spécial Jazz mardi 28 avril 2009 (c'est-à-dire demain !) à 21h dans l'habituelle salle des Actes [ ENS, 45 rue d'Ulm, Paris 5è].  Avec au programme des impros, des préludes de Gershwin, un quatuor piano/trompette/batterie/contre-basse, et plein d'autres morceaux "Jazz".

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