jeudi 17 décembre 2009

Qu'est-ce que la musique tonale ?

Il y a quelque temps nous avions cherché une bonne définition de la musique atonale. La meilleure étant sans doute c'est une musique qui n'est pas tonale, il ne reste qu'à définir la musique tonale. On la définit souvent par référence aux accords parfaits majeur et mineur, mais ça n'est pas suffisant. Beaucoup de morceaux de musique pop dont l'harmonie n'est qu'une succession de triades majeures ou mineures (avec parfois une septième) ne sont pas de la musique tonale à proprement parler. Par ailleurs, chez les compositeurs comme Philippe Hersant qui sont qualifiés avec mépris de "néo-tonaux", les éléments du langage tonal, lorsqu'ils sont présents, ne présentent pas ce caractère de nécessité absolue qu'on trouve dans la musique de Hadyn ou Mozart par exemple. En ce sens, il est juste de dire que la musique tonale est bel et bien devenue une langue morte depuis une centaine d'années environ. Quel compositeur aujourd'hui se sent obligé de préparer et de résoudre les septièmes et les neuvièmes, de moduler selon le cycle des quintes, d'éviter les mouvements parallèles ? Aucun, car l'oreille contemporaine s'est habituée à la musique atonale, à la musique "tonale faible" (où les règles se relâchent), à la musique "tonale chromatique" (Wagner et les post-romantiques).

Reste que si la musique tonale n'est plus ce qu'elle était, elle a exercé un suprématie sans mélange sur la musique occidentale de Monteverdi à Debussy, c'est à dire de 1600 à 1900 environ. Tout comme le christianisme dans l'histoire européenne, on ne peut pas ignorer son existence. De quoi se compose-t-elle au juste ? Pour moi, les piliers de la musique tonale sont, dans l'ordre:

  1. la tonique (c'est à dire l'existence d'un ton principal)
  2. la gamme (majeure ou mineure)
  3. les accords parfaits majeurs et mineurs, leurs renversements, les septièmes et neuvièmes
  4. le total chromatique (c'est à dire la division de l'octave en 12 demi-tons égaux)
L'existence d'une note fondamentale appelée tonique est indispensable mais pas suffisante car on la trouve également dans les musiques modales européennes et extra-européennes.

Après la tonique, c'est donc bien la gamme qui définit la musique tonale dont  l'évènement fondateur est précisément la simplification des modes dits ecclésiastiques hérités du Moyen-Âge et la convergence vers deux modes seulement: majeur et mineur. La gamme tonale comporte sept notes, également appelés degrés, numérotés de I à VII, le premier degré étant la tonique. Un pré-supposé implicite mais fondamental de la musique tonale est que deux sons séparés d'une octave sont deux représentants de la même note. Ainsi la gamme se termine par le retour au premier degré, transposé d'une octave (do, ré, mi, fa, sol, la, si, do). Issue du mode dorien, la gamme majeure possède plusieurs propriétés remarquables:
  • Elle contient les consonances simples comme la quinte (correspondant à un rapport de 3/2 entre les fréquences), la quarte (4/3), la tierce, la sixte
  • Ses degrés sont séparés par deux types d'intervalles seulement: tons et demi-tons
  • Elle est asymétrique (contrairement aux modes de Messiaen): la seule transposition de la gamme qui permet de retrouver les mêmes degrés est l'octave.
La gamme mineure est plus complexe, car elle comporte deux degrés mobiles (les VI et VII) et par conséquent pas moins de quatre gammes sont en fait appelées mineures: le mineur ascendant (ré mi fa sol la si do# ré), descendant (ré do si b la sol fa mi ré), mélodique (ré mi fa sol la si b do # ré) et naturel (ré mi fa sol la si b do ré). Ces quatre variantes sont toutes asymétriques, et contiennent la quarte et la quinte du ton principal, comme la gamme majeure.



Les accords parfaits sont tirés des notes de la gamme. Ainsi l'accord parfait majeur (do-mi-sol) est constitué des degrés I, III, et V. C'est un accord asymétrique où chaque degré joue un rôle particulier: tonique, tierce, dominante. Comme nous l'avons dit, en musique tonale n'importe quelle note peut être transposée d'une octave sans changer de nom et de fonction. Ainsi n'importe lequel des degrés I, III, V peut être placé à la basse d'un accord parfait. On parle de renversement lorsque les degrés III ou V sont à la basse. Les accords de septième sont eux aussi intégrés aux notes de la gamme, comme la septième de dominante (sol-si-ré-fa ou V-VII-II-IV) ou les autres septièmes appelées septièmes d'espèce. Ce sont des accords à quatre sons constitués de trois tierces empilées.

En musique tonale, toutes les harmonies sont basées sur les accords parfaits, les septièmes et leurs renversements. Toute exception doit être dûment justifiée et documentée par les analystes comme note de passage, appogiature, syncope, échappée, retard, etc. La réalisation d'enchaînements harmoniques n'utilisant que les accords parfaits, les septièmes et leurs renversements forme toute la matière de centaines de traités d'harmonie. C'est dire si les possibilités offertes par l'harmonie tonale sont vastes, mêmes si elles sont limitées au départ par construction. C'est Richard Wagner qui avec le fameux accord de Tristan a sonné le glas des espérances que pouvait avoir l'harmonie tonale pour expliquer et analyser tous les accords possibles. Les violentes critiques qui décriaient sa musique comme atonale étaient donc parfaitement fondées. Mais nous reviendrons à l'accord de Tristan dans un autre billet.



Quoique succincte, on pourrait estimer notre description de la musique tonale comme complète, mais il n'en est rien. Une possibilité essentielle de la musique tonale, depuis le tout début, est celle de moduler, c'est à dire se déplacer d'un ton principal à un autre. Les modulations les plus faciles sont celles qui vont vers les tons voisins, à une quinte de distance de la tonique. Il suffit de changer une note de la gamme d'un demi-ton pour moduler dans un ton voisin (par exemple on passe de do à sol en changeant le fa en fa#). Mais d'autres modulations sont possibles, et l'histoire de l'harmonie tonale est aussi celle de la conquête progressive de raccourcis permettant de bondir de n'importe quel point du cycle des quintes à n'importe quel autre. Les riches possibilités offertes par la modulation sont la contrepartie de la simplification des modes en deux modes seulement. L'espace dans lequel les modulations se déroulent est le total chromatique, c'est à dire la division de l'octave en douze demi-tons égaux. On peut l'obtenir de diverses façons, par exemple en re-découpant tous les tons entiers de la gamme en demi-tons (cela revient à ajouter les touches noires à un clavier de piano qui ne comporterait que des touches blanches). Il y a bien quelques subtilités qu'on ne va pas détailler ici, comme la différence entre la quinte juste (3/2 = 1,5) et la quinte tempérée (2 puissance 7/12 = 1,4983).

En fait, même en dehors des possibilités de modulation, les 12 demi-tons sont constamment utilisés en musique tonale. Les 5 demi-tons qui ne figurent pas dans la gamme servent à déclencher des modulations, mais aussi à apporter un peu de piment harmonique ou de souplesse mélodique. Considérons par exemple les variations sur "Ah vous dirais-je Mamam !" d'un certain W.A. Mozart. Le thème, en ut majeur, n'utilise que les notes de la gamme (les touches blanches du piano). Mais dès la première variation, Mozart utilise quatre des cinq touches noires (do#, ré#, fa#, sol#), et la cinquième sera utilisée dès la deuxième variation. On a vraiment besoin des 12 demi-tons pour jouer cette musique. Et cela est vrai dans toute la musique tonale. Les exceptions sont rarissimes. Il y a par exemple le mouvement lent du quinzième quatuor de Beethoven, qui comporte de longs passages sans aucune altération. Mais cet usage exclusif des sept notes de la gamme vise précisément à produire un effet archaïsant et une couleur modale.

La musique tonale est donc une musique dodécaphonique. Cependant, contrairement à la série de Schoenberg, elle s'organise autour d'un ton principal et donne à chacun des douze demi-tons un rôle, une place particulière, et le plus souvent un nom: dominante, sous-dominante, tierce, sixte, sensible, etc. Pour achever de se persuader de l'importance des 12 demi-tons dans la musique tonale, considérons les deux divisions symétriques de l'octave constituées de tierces identiques et empilées: la quinte augmentée (do - mi - sol #) et la septième diminuée (do - mi b - fa # - la). A strictement parler, ces deux accords sont a-tonaux car
  1. Ils ne sont pas intégrés au sept notes de la gamme majeure
  2. Ils n'ont pas de fondamentale (car ils sont totalement symétriques et donc équivalents à tous leurs renversements)
On les trouve pourtant dans toute la musique tonale, Rameau, Bach, Beethoven, Liszt... les raisons de leur intégration dans le catalogue des accords admissibles sont:
  1. leur construction par empilement de tierces (semblable à la construction des accords parfaits et septièmes)
  2. leur intégration possible aux notes de la gamme mineure (en ut mineur, on peut caser la quinte augmentée mi b  -  sol - si et la septième diminuée si - ré - fa - la b)
  3. moins avouable par les théoriciens mais tout aussi important: le fantastique levier qu'ils offrent pour construire des modulations audacieuses et suspendre temporairement la sensation de tonalité principale.
Dès le début, la musique tonale a donc hébergé en son sein et même accordé une place privilégiée à deux accords atonaux. D'une certaine manière, le ver était déjà dans le fruit...

Le système tonal est une merveilleuse construction intellectuelle collective, beaucoup plus riche et subtil qu'il n'y paraît car il articule ensemble trois éléments; les triades majeure et mineure, les gammes majeure et mineures, et le total chromatique. Les possibilité qu'il offrait par comparaison avec les modes ecclésiastiques étaient si étendues, le couleurs harmoniques si nouvelles et les combinaisons si nombreuses qu'il a été l'horizon insurpassable de tous les musiciens Européens pendant trois siècles. Est-t-il aujourd'hui défunt ? Oui, certainement, si l'on considère les centaines de chefs-d'oeuvres de musique atonale écrits au vingtième siècle. Non, si l'on considère les milliers de chefs-d'oeuvres de musique tonale, écrits avant ou pendant le vingtième siècle, et que l'on a toujours autant de plaisir à jouer et à entendre.

Plutôt que de parler de vie et de mort, ce qui n'a pas tellement de sens, je dirais plutôt que la musique tonale est dépassée. Comme la physique classique a été englobée dans la physique relativiste, qui n'a pas invalidé ses lois mais en a proposé de plus générales, et montré leurs limites, la musique tonale a été englobée par un torrent d'innovations des compositeurs comme Scriabine, Varèse, Schoenberg, Messiaen, Murail et j'en oublie quelques centaines. La théorie de la musique qui permettrait de comprendre leur musique et la musique tonale dans une même perspective n'est pas encore écrite. A part peut-être le traité de composition écrit par Paul Hindemith en 1940, ou celui de Messiaen, je ne connais aucun livre qui traite de l'harmonie post-tonale. Il y en aurait pourtant, des choses passionnantes à dire sur le sujet !

vendredi 11 décembre 2009

Concert Trouvères lundi 14 décembre à l'ENS

Lundi prochain, le 14 décembre 2009, les Trouvères de l'ENS vous convient à un concert de musique de chambre auquel j'aurai le plaisir de participer en jouant le début de la sonate de César Franck. Le programme complet n'est pas encore disponible, je l'ajouterai à ce billet dès que possible.

C'est à 20 heures 30 à l'Ecole Normale Supérieure (45, rue d'Ulm, Paris 5ème arrondissement), en Salle des Actes (au 1er étage)

mardi 1 décembre 2009

Jean-Sébastien, que ma joie demeure

Certains occupent leur temps libre en remplissant des grilles de sudoku: même si c'est un jeu que j'affectionne par ailleurs, c'est plutôt avec du contrepoint renversable dans le style du début du 18e siècle que je me distrais après le boulot (le boulot en question étant, selon les jours, alto, orchestre, composition ou informatique).

Même s'il ne s'agit que d'un exercice un peu scolaire, il faut bien avouer qu'emboîter sujets et contre-sujets, préparer et résoudre les septièmes, dérouler tranquillement les marches harmoniques me remplit de joie. J'ai l'impression de construire une église ou un temple modeste et austère mais accueillant et de proportions harmonieuses lorsque je fais du contrepoint dans le style de Bach.

Bienheureux Jean-Sébastien Bach, qui a passé sa vie à pratiquer un style de composition techniquement parfait mais déjà passé de mode chez ses contemporains. A vrai dire bien d'autres ont excellé dans le contrepoint; la particularité de Bach tient peut-être dans le côté pédagogique de sa musique (on a l'impression d'être pris par la main et guidé dans les méandres du contrepoint), mais aussi une simplicité désarmante et une élégance jamais mise en défaut.

Pédagogue, la musique de Bach l'est aussi avec l'interprète, qu'elle invite à s'élever par paliers jusqu'à la plus parfaite maîtrise instrumentale nécessaire à l'interprétation des grands chefs-d'œuvres comme la Chaconne pour violon seul. Elle l'est plus encore avec les compositeurs: aucune musique plus que celle de Bach ne sait donner le désir d'écrire. Chopin et Franck, parmi tant d'autres, pratiquaient la musique de Bach quotidiennement. Aussi, en élève studieux à défaut d'être doué, j'écris des préludes et fugues pour clavier ou quatuor à cordes. De simples exercices, qui ont pour seule utilité de me réjouir profondément. Que ma joie demeure ! et qu'on me permette de la partager avec vous, chers lecteurs.

(pour les curieux, la partition pour piano et celle pour quatuor à cordes seront bientôt sur le site Tamino Productions)

lundi 30 novembre 2009

L'Orchestre Moderne en concert les 4 et 5 décembre 2009 à Paris

L'Orchestre moderne, avec qui j'ai le plaisir de jouer cette année, vous invite au concert le 4 décembre à Paris (basilique Ste Clothilde, Rue Las Cases, Paris 7e), et le 5 décembre à Savigny-sur-Orge (dans le théâtre du lycée J.B. Corot). Au programme:

Selon la formule consacrée, l'entrée est libre mais la sortie sera peut-être payante. Blague à part, les sous récoltés ne servent pas à payer les musiciens qui sont tous bénévoles mais à couvrir l'organisation (comme par exemple le camion qui transporte les pupitres et instruments de percussions) ainsi qu'à offrir une trompette ou un autre instrument de musique à un institut en Argentine qui à l'image de ce que font les orchestre d'El Sistema au Venezuela, permet à des gamins de la rue de sortir de la rue, précisément, et de réintégrer la société, grâce à la musique.



Trèves de bavardages: venez nombreux, et au plaisir de vous y croiser peut-être, chers lecteurs et lectrices de ce blog (dont les billets se raréfient quelque peu ces temps-ci, et je m'en excuse même si c'est pour la bonne cause).

mardi 24 novembre 2009

Hyper-partition

Nous avions brièvement parlé de l'opéra Hypermusic prologue d'Hector Parra (dont une vidéo est disponible ici) dans ce journal. Le blog de l'éditeur Sibelius publie un court extrait de la partition manuscrite ainsi que la partition éditée. Comme indiqué en tête de la page c'est un passage "microsopique" mais "flamboyant".

Un peu comme les mouvements en apparence frénétiques et désordonnés des particules observés par Robert Brown (inventeur du mouvement brownien) expriment en fait la beauté et l'harmonie immuable de la Nature, les col legno, glissandos d'harmoniques et autres molto écrasé qui constellent cette page ne sont que les particules élémentaires d'une texture musicale macro-cosmogonique et immobile dans sa transcendance astro-psychédélique. Simple, non ?

lundi 16 novembre 2009

Violas' 2009: résultat du concours de Lutherie

Les résultats du concours de lutherie Violas' 2009 sont sur le site alto en ligne. Dix luthiers sont récompensés, mais deux noms semblent se dégager: Jan Bartos et Antoine Lescombes.

Mais quand c’est de la musique, la pollution s’honore…

Me voici condamné à la schizophrénie. En effet, bien que membre du groupe Facebook Faites l'amour, pas des gammes, je ne peux que soutenir l'initiative de Vanina Paoli, Présidente de la Chambre Syndicale des Métiers de la Musique, qui dans une lettre ouverte au gouvernement publiée sur le site concertclassic, réclame un décret autorisant la pratique de la musique durant certaines plages horaires, afin de limiter les conflits de voisinages et l'envoi d'huissier pour mesurer les décibels, pratique qui semble devenir de plus en plus courante (et il ne faut pas s'en étonner, car la France vieillit et continue à s'urbaniser).

A propos de la visite d'huissier, je me souviens d'une contrebassiste qui avait reçu la visite d'un huissier mandaté par ses adorables voisins. Lequel huissier, ayant mesuré que la contrebasse ne produisait que 43 décibels, ne pouvait faire l'objet d'une interdiction (pour mémoire, n'importe quelle télé ou conversation à voix haute atteint facilement les 50 décibels, et l'on peut mesurer 25 voire 30 décibels dans ce qu'on considère en ville comme une pièce silencieuse et calme). Laquelle, munie d'une copie de ce fameux constat, a pu continuer à pratiquer son instrument en toute légalité...

Bien sûr, avec cette mode (qui ne date pas d'hier) des instruments de plus en plus puissants, les problèmes de voisinage ne peuvent qu'aller eux aussi en s'amplifiant. Spécialement avec le piano, qui a  la désagréable propriété de se propager à travers les murs d'un immeuble, ce qui à partir de la cinquantième répétition du début de la Lettre à Élise avec toujours la même faute à la troisième mesure, ne manque pas de donner des envies de meurtre aux voisins. La musique n'adoucit pas toujours les moeurs...

C'est un paradoxe d'ailleurs que la musique qui est omni-présente dans notre quotidien, en bruit de fond dans les magasins, parkings, cafés, à la télé, dans les téléphones portables, soit rejetée si violemment lorsqu'elle est pratiquée par un voisin. C'est un peu comme l'acharnement contre les fumeurs, absurde si l'on considère que les pollutions dues à l'automobile entre autres nous condamnent quasiment tous à un cancer du poumon avant 60 ans. C'est en fait le silence qui est devenu rare, de même que l'air pur...

PS je m'excuse pour le mauvais calembour du titre, qui n'est pas de moi.

Orchestres en fête du 20 au 29 novembre

L'opération Orchestre en fête reprend cette année, du 20 au 29 novembre 2009. C'est une sorte d'opération portes ouvertes qui permet de découvrir les coulisses, d'assister à des concerts mais aussi à des conférences, des ateliers pédagogiques, et de rencontrer des musiciens. L'accent sera mis particulièrement cette année sur les manifestations pour les enfants des écoles, collèges et lycées.

Aussi je vous invite à lire l'interview de Michel Blanc, parrain de l'opération, ainsi que celle de Philippe Fanjas, qui préside l'association des orchestre des France, et bien sûr à profiter de cette fête de l'orchestre pour aller saluer les musiciens de votre orchestre local préféré. Le calendrier est sur le site d'Orchestres en fête

dimanche 15 novembre 2009

Et s'il n'en reste qu'un...

Norman Lebrecht invite jusqu'à demain les lecteurs de son blog à voter pour le ou les compositeurs vivants qu'on écoutera toujours dans 50 ans. Le critère de la durabilité est sans doute l'un des meilleurs et des plus objectifs pour évaluer la qualité de la musique, indépendamment de toutes les considérations de style ou de goût. Ainsi Brahms le passéiste et Liszt l'audacieux ont tous les deux résisté à l'usure du temps par la qualité de leur musique, ce qui nous permet d'apprécier aujourd'hui ce qu'ils ont en commun comme ce qui les différencie.

S'il y a un biais de sélection assez clair envers les compositeurs américains ou travaillant aux États-Unis, on y retrouve pas mal de noms connus, des avant-gardistes comme Carter ou Boulez mais aussi des compositeurs plus populaires comme Arvo Pärt ou John Williams. Il y a surtout une demi-douzaine de noms que je vois pour la première fois. Suis-je donc complètement inculte ? Ou bien est-il si difficile pour un compositeur aujourd'hui de se faire un nom parmi les milliers de compositeurs en activité ? Les deux, sans doute.

jeudi 12 novembre 2009

Wagner contre Wagner

L'information semble avoir peu ému, tant ce côté-ci du Rhin que de l'autre. Gottfried Wagner, descendant direct de Richard du même nom, est fort en colère contre la programmation du prélude du 3e acte de Lohengrin lors du concert dirigé par Daniel Barenboïm le 9 novembre dernier pour célébrer les 20 ans de la chute du mur de Berlin. Musique qu'il qualifie de chauvinistischen Kriegsaufputschmusik c'est à dire en gros de nationaliste et va-t'en-guerre, et par là même fort peu adaptée à la circonstance. C'est le Tagesspiegel qui le rapporte (lire également la déclaration complète de Gottfried Wagner ici). Le même concert incluait la cantate Un survivant de Varsovie (1947)  d'Arnold Schönberg, une oeuvre qui se situe politiquement aux antipodes puisqu'elle parle de l'insurrection du ghetto juif de Varsovie en 1943 (et de la répression impitoyable qui s'ensuivit).

Richard Wagner était nationaliste et ouvertement antisémite, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir des amis juifs. La question a été amplement débattue dans d'innombrables livres et articles, et il n'est guère nécessaire d'y revenir ici. Mais sa musique ? Est-elle chauviniste ou anti-sémite ? Est-ce qu'il peut exister une musique nationaliste ? Et à quoi donc pourrait-on la reconnaître ?

Bien qu'il existe des hymnes nationaux, on ne peut que répondre par la négative. La musique véhicule des émotions, des sentiments, pas des opinions politiques ou des leçons d'histoire. Aucune oeuvre de musique symphonique n'est capable d'exprimer des propositions comme "la pomme est sur la table" ou bien "Chirac est un pourri" ou encore "les Turcs sont responsables du génocide des Arméniens en 1915". Le privilège, le pouvoir de dire le monde, est celui des mots et des écrivains. écrivain au sens large, chacun de nous ou presque ayant ce pouvoir de prendre la plume pour dire le monde.

Ainsi la musique ne peut avoir de signification politique que par ricochet, par association avec d'autres éléments, textes ou symboles. La force des symboles n'est pas à négliger. Quelles auraient été les réactions du public si le concert avait commencé par l'hymne de l'ex-RDA ? ou l'Internationale ? ou l'hymne des JO de Berlin de 1936 ? (composé par un certain Richard ... Strauss !).

Dernier point à considérer, en sus des associations d'idées qu'elle peut susciter, ou ne pas susciter, et peut-être avant tout autre chose, la musique a aussi une valeur esthétique intrinsèque. Ce prélude du 3e acte de Lohengrin est souvent joué en concert car cette ouverture est un petit chef-d'oeuvre qui exprime les sentiments d'impatience joyeuse et de bonheur festif comme nulle autre. On peut certes trouver un côté martial dans ces sonorités cuivrées et ces rythmes pointés, mais ce sont là des qualités (ou des défauts) qu'on trouve aussi bien dans notre Marseillaise, ou dans les ouvertures de Berlioz et Beethoven.

Daniel Barenboïm, qui a le premier introduit la musique de Wagner en Israël, ce qui a suscité des remous, a certainement réfléchi à la question lui aussi, avant de trancher. Peu de musiciens ayant oeuvré autant que lui à faire tomber barrières et préjugés, je pense qu'on peut lui faire confiance et lui laisser le mot de la fin. Oui, tout bien pesé, il ne faut pas s'interdire de jouer la musique de Wagner. Même lors d'une cérémonie internationale où l'on fête la réunification pacifique de l'Allemagne et de l'Europe.

lundi 9 novembre 2009

Il nous faut d'autres Rostropovitch

J'avais quatorze ans lorsque le monde stupéfait apprit la chute aussi soudaine que pacifique du mur de Berlin. Les barbelés, les miradors, le béton, symboles de l'oppression et de la guerre froide, sont tombés aussi facilement qu'un château de cartes, ou que les dominos en polystyrène érigés pour commémorer le vingtième anniversaire. La réunification de l'Allemagne entraîna celle de toute l'Europe, créant ce fantastique espace de paix, de liberté et d'échanges (agrémenté d'un poil de technocratie bruxelloise) qui nous paraît maintenant familier, car c'est notre demeure à tous.

L'année précédente, en 1988, à l'occasion du voyage d'un orchestre de jeunes en Pologne, j'avais pu toucher du doigt la réalité quotidienne d'un pays communiste d'Europe de l'Est. Au milieu d'un groupe d'immeubles noirs de crasse et de pollution, deux étaient tout blancs: on m'apprit qu'ils avaient été repeints car ils étaient dans le champ de la caméra lors du voyage du pape. Si j'avais apprécié la misère, l'oppression et la bureaucratie, j'avais aussi senti un enthousiasme, un élan, une solidarité, quelque chose qui couvait sous la cendre et ne demandait qu'à se réveiller. N'ayez pas peur ! les paroles prononcées par Jean-Paul II un an plus tôt lors de son voyage en Pologne étaient dans les coeurs et les esprits.

Parmi les images marquantes que je ne suis pas le seul à retenir de ces jours-là, celle du violoncelliste Msistlav Rostropovitch jouant Bach devant un pan de mur de Berlin à moitié détruit. Rostropovitch qui avait quitté le conservatoire de Moscou a 21 ans pour protester contre les attaques envers un de ses professeurs, un certain Dimitri Chostakovitch. Rostropovitch qui a caché et hébergé Soljénitsyne, Rostropovitch exilé puis déchu de la nationalité et de ces droits civiques dans les années 1970. Nul n'était mieux placé que Rostropovitch l'apatride pour éprouver et transmettre la joie de ce jour-là dans sa dimension universelle.

Il nous faut maintenant d'autres Rostropovitch. Car il reste bien des murs à abattre, partout dans le monde. Chypre, Israël, Corée... qui sait, peut-être Daniel Barenboïm sera encore suffisamment jeune et alerte dans quelques années pour diriger le Western Divan Orchestra lors de l'inauguration d'une zone de libre-échange et de coopération économique réunissant le Liban, Israël, la Syrie, la Jordanie et la Palestine enfin devenue un état ? Il est permis de rêver, car certains rêves se réalisent plus tôt et plus vite que tout ce qu'on aurait pu croire. C'est la leçon nous laisse que la chute du mur de Berlin. Puisse cette ode à la joie résonner longtemps dans nos mémoires et dans celles de nos enfants.

dimanche 8 novembre 2009

KAbrass en concert les 28 et 29 novembre 2009

L'ensemble de cuivres KABrass (dont les lecteurs de ce Journal on déjà entendu parler), sous la direction de Xavier Saumon, nous propose un nouveau programme qui sera donné en concert:

  • samedi 28 novembre à 20h45, Centre Georges Brassens au Mesnil le Roi,
  • dimanche 29 novembre à 18h, Temple des Batignolles à Paris 17ème


Cette symphonie cuivrée se compose de:
  • Aubrey's Mask, Simon Wills
  • Intermezzo de "La Boda de Luis Alonso", Jeronimo Gimenez
  • London Miniatures, Gordon Langford
  • Morceau Symphonique, Alexandre Guilmant
  • Gelobet Seist Du Jesu Christ, Samuel Scheidt
  • Londonderry (traditionnel)

Au trombone solo, Stéphane Guiheux de l’Orchestre de Bretagne. L'entrée est libre pour les deux concerts.

mercredi 28 octobre 2009

L'Europe en musique

Non, ce journal n'est pas en deshérence, mais son auteur est fort occupé par un stage d'orchestre cette semaine. La formation dont il s'agit est l'Orchestre des jeunes de la Grande Région, également connu sous l'acronyme barbare de CMGR. C'est un projet qui réunit les conservatoires de Metz, Nancy, Luxembourg, Esch-sur-Alzette, Liège, Sarrebrück et  Mayence. Au programme, trois oeuvres romantique et une qui ne l'est déjà plus du tout:

1. Finlandia de Jean Sibelius
2. Concerto pour piano et orchestre de Edvard Grieg
3. Kikimora ("petite socière noire") d'Anatoli Liadov
4. L’oiseau de feu (suite pour orchestre) d'Igor Stravinsky

A la baguette, un tout jeune chef de soixante ans à peine avec une fort belle carrière derrière lui: Jacques Mercier, qui dirige actuellement l'Orchestre National de Lorraine.

Six concerts sont programmés dans les villes que j'ai citées (auquel il faut ajouter Reims) du 31 octobre au 6 novembre prochain. Tous sont à entrée libre, n'hésitez pas à venir (les détails sont sur le site de la CMGR).

dimanche 18 octobre 2009

Piano, Lego, et numérisation de la voix

Dans un de ses romans, Microserfs l'écrivain américain Douglas Coupland défend l'idée que le lego, avec ses petites briques carrées, monochromes et parfaitement lisses, a préparé les enfants de sa génération à un monde digital, où tout se réduit à des carrés, des pixels, des séries de chiffres: texte, musique, peinture, cinéma mais aussi sentiments, vie sociale, érotisme...

Se pourrait-il que les instruments à clavier, et tout particulièrement le piano moderne, aient joué un rôle similaire en préparant les esprits et surtout les oreilles à la musique numérique et numérisée d'aujourd'hui ? Jugeons-en:

  • Une grille uniforme de 12 demi-tons égaux. Le seul intervalle juste étant l'octave (dont les accordeurs de pianos vous diront d'ailleurs qu'elle est un peu étirée pour mieux correspondre au timbre légèrement in-harmonique de l'instrument).
  • Pas moyen de faire des glissandos, des micro-intervalles, ni même du vibrato.
  • Une attaque claire et nette du son, sur le mode 1 ou 0, On / Off
  • Un design en noir et blanc, très binaire lui aussi
Certains trouveront que je fais une rechute de mon allergie eu piano mais ce n'est pas le cas: on m'accordera au moins que les instruments à clavier ont joué un rôle prépondérant dans ces grandes simplifications qui ont contraint la musique occidentale durant trois siècles au moins tout en étant de formidables levier pour l'inspiration des compositeurs: la réduction des modes à deux (majeur / mineur), et de tous les sons possibles aux douze demi-tons qui forment le "total chromatique". La notion même de total chromatique suggérant qu'il n'y a pas d'autres sons musicalement intéressants que ceux du catalogue.

Le piano peut-il vraiment reproduire tous les sons de la nature, ou bien au minimum tous les sons qu'on voudrait utiliser pour faire de la musique ? Bien que la réponse intuitive me paraisse être non, bien évidemment elle est plus souvent "oui" ou "oui, enfin presque" pour la plupart des pianistes. Le piano, selon la formule de Messiaen, est à la fois son propre timbre et celui de tout les autres instruments... c'est au moins ce que ressentent les pianistes, qui ont peut-être pris l'habitude d'imaginer une flûte, un basson ou un choral de trombones en jouant tel ou tel passage. Dans quelles limites le piano peut-il jouer ce rôle universel ? Une partie de la réponse nous est apportée par le compositeur Peter Ablinger qui a enregistré la voix d'un enfant, puis calculé à l'aide d'un ordinateur une partition pour piano mécanique destinée à reproduire cette voix. Une sorte de compression MIDI si l'on veut, un procédé de numérisation qui utiliserait le piano mécanique et au lieu d'une chaîne hi-fi pour restituer le signal.

Le résultat à l'oreille ? Sans les sous-titres on aurait le plus grand mal à reconnaître les paroles. Beaucoup de commentateurs sur Youtube trouvent effrayante la voix qui sort du piano. Pour ma part je la trouve juste horriblement laide. La noble cause de l'environnement a déjà été défendue par des voix infiniment plus convaincantes...

lundi 12 octobre 2009

Sans les mains !

Apparemment, pas besoin de doigts pour jouer du piano. On peut très bien le faire avec les pieds, comme l'ont montré quelques suédois bien fêlés après une telle décontraction:

Rendons à César ce qui est à césar et à Bach sa toccata en ré mineur (qui n'est pas de Bach, comme chacun sait), nos amis suédois n'ont pas été les premiers à avoir l'idée du piano à pédales et sans clavier:

Mais dans le genre musique qu'on fait avec les pieds, l'air de la 40e symphonie de Mozart par Michel Lauzière au bouteillophone à roulettes (un instrument de son invention) est tout de même mon préféré:

jeudi 8 octobre 2009

Lamartine c'est schtroumpfement beau

Piqué dans leur dernier album des schtroumpfs (Schtroumpf les bains, éditions le lombard) qui voit les petits êtres bleus goûter aux joies et aux malheurs du tourisme, ces deux allusions à un poème célébrissime:

Comme le signale une note de bas de page, toute ressemblance à un poème existant serait purement schtroumpf.

Outre le fait que les schtroumpfs vont en vacances au bord d'un lac, ce qui rendait l'allusion au Lac de Lamartine quasi obligée, il est intéressant de noter que la poésie de Lamartine est assimilée à la poésie tout court. Plus que tout autre (et avant tous les autres) il a incarné cette poésie romantique qui rêve de se substituer à la musique, et, comme la musique, d'exprimer les sentiments les plus intimes et les plus élevés de la façon la plus directe qui soit. Les accusations de mièvrerie, de fadeur, voire même de franche hypocrisie (pensez au sinistre personnage de Canalis dans la Comédie humaine de Balzac) qu'on lui a porté par la suite n'ont fait que renforcer ce statut privilégié de la poésie romantique. A tel point que pour la plupart des gens poésie est synonyme de poésie romantique et qu'on emploie souvent l'adjectif poétique comme un synonyme de romantique ou même de beau ou encore émouvant ce qui permet d'appeler poétiques des choses qui n'ont pas de lien direct avec la littérature (personnes, paysages, oeuvres d'art). Mais comme cette poésie-là prétend venir directement du coeur (et par conséquent n'user d'aucun artifice et n'être pas le produit d'un travail d'écriture) et englober la totalité du monde, à travers la capacité de notre coeur à entrer en résonance avec lui, cela n'a rien d'incohérent.

Il y eut un certain nombre de tentatives de mise en musique du Lac, la plupart contemporaines de Lamartine, mais aucune qui soit pleinement convaincante. Cette poésie porte une telle musicalité dans le texte lui-même qu'on peine à lui apporter quelque chose de plus par la musique. Une musique trop fluide ou discrète n'apporterait rien au texte, tandis qu'une musique plus audacieuse pourrait se trouver en porte-à-faux avec les sentiments exprimés. Un vrai casse-tête ! Finalement la mise en musique la plus convaincante de la poésie de Lamartine se trouve peut-être chez Liszt, qui dans ses Harmonies poétiques et religieuses, cycle de pièces pour piano seul qui comporte des chefs-d'œuvres absolus comme Funérailles, Bénédiction de Dieu dans la solitude et Pensées des Morts, a placé de longs extraits des poèmes de Lamartine dont il s'est inspiré en tête de chaque pièce. L'idéal en concert (ou pourquoi pas au disque) étant d'avoir un récitant pour déclamer les vers avant que la musique commence. Ainsi pour l'Invocation qui ouvre le cycle et qui termine ce billet:

Élevez-vous, voix de mon âme
Avec l'aurore, avec la nuit !
Élancez-vous comme la flamme,
Répandez-vous comme le bruit !
Flottez sur l'aile des nuages,
Mêlez-vous aux vents, aux orages,
Au tonnerre, au fracas des flots;
L'homme en vain ferme sa paupière;
L'hymne éternel de la prière
Trouvera partout des échos !

Élevez-vous dans le silence
A l'heure où dans l'ombre du soir
La lampe des nuits se balance,
Quand le prêtre éteint l'encensoir;
Élevez-vous au bord des ondes
Dans ces solitudes profondes
Où Dieu se révèle à la foi !
Chantez dans mes heures funèbres :
Amour, il n'est point de ténèbres,
Point de solitude avec toi !


dimanche 4 octobre 2009

La musique vocale de George Enescu aux Invalides le 5 octobre 2009

L'institut culturel roumain nous invite au concert lundi 5 octobre 2009, pour entendre Enescu:

Cette année, notre Institut s’est proposé d’offrir au public mélomane, pour la première fois, l’intégralité des pièces vocales de George Enescu. Après le grand succès du premier concert organisé en janvier à la salle Cortot, des airs extraits de l’opéra Oedipe, le chef-d’oeuvre du grand compositeur roumain, et autres pièces inédites seront interprétées par la mezzo-soprano VIORICA CORTEZ, la soprano LEONTINA VADUVA, le baryton L’OISELEUR DES LONGCHAMPS, la pianiste ALINA PAVALACHE. Participent aussi la soprano Ruxandra CIORANU, la mezzo-soprano Nathalie d’ORNANO et le baryton et flûtiste Benjamin ALUNNI.

Rien à ajouter sinon le prix (8 euros, on a vu plus ruineux comme sortie !) le programme détaillé à consulter ici et l'adresse:

Grand Salon, Musée de l’Armée,
Hôtel national des Invalides
129 rue de Grenelle - 75007 Paris (Mº Invalides)

Cent partitions sur le site Tamino Productions

Le site Tamino Productions où je publie mes compositions et arrangements a récemment atteint le seuil symbolique de 100 partitions disponibles. Il bénéficie également d'un superbe nouveau logo bleu avec une plume dessiné par une cousine qui fait des études de design:

Bien que la navigation se soit améliorée avec la deuxième version du site SibeliusMusic qui héberge ces partitions, elle souffre encore de certains défauts. Le principal étant l'utilisation d'un plug-in propriétaire qui ne fonctionne que sur les ordinateurs Mac ou Windows, quand il veut bien fonctionner (plusieurs de mes amis m'ont rapporté des difficultés à installer le pug-in ou à imprimer des partitions). Mise à jour: le site s'appelle maintenant ScoreExchange et permet d'acheter les partitions en PDF. Par ailleurs le nouveau site Tamino Productions est maintenant en ligne.

Côté positif, ce site permet de poster des extraits en MP3 à côté des partitions, offre une bonne visibilité dans les moteurs de recherche ainsi qu'une forme d'animation communautaire grâce aux reviews et autres liens.

Quelques partitions sont également disponibles sur le site lulu.com qui permet de commander des partitions imprimées (au lieu de les imprimer soi-même). Mais ce site dédié aux livres en général ne permet pas facilement d'imprimer les parties séparées pour les oeuvres de musique de chambre, ce qui constitue un gros handicap.

N'étant pleinement satisfait ni par l'une ni par l'autre solution, je vais probablement développer dans les mois qui viennent un nouveau site pour publier mes partitions mais aussi celles d'autres compositeurs. Dans l'idéal il sera multilingue et Web 2.0, basé sur un CMS comme SPIP ou Joomla. Sa principale caractéristique sera d'offrir le téléchargement gratuit des partitions dans le format le plus universel qui soit (le PDF). Les compositeurs seront rémunérés soit par les droits SACEM si l'oeuvre est jouée en public soit par un don en ligne si elle ne l'est pas. Contrairement aux sites d'auto-publication, il y aura un comité éditorial pour faire le tri, ce qui évitera aux utilisateurs du site d'avoir à le faire eux-mêmes.

Pourquoi offrir une partition gratuitement sur Internet plutôt que de signer un contrat classique avec un éditeur ? D'abord pour faire connaître son travail. A l'heure où la quasi-totalité des oeuvres de Mozart, Bach, Beethoven sont disponibles gratuitement sur des sites comme IMSLP, bien peu de gens vont être motivés pour acheter la partition d'un compositeur dont ils n'ont jamais entendu parler, surtout s'ils ne peuvent même pas y jeter un coup d'oeil avant de payer. Dans un magasin de partitions, on peut feuilleter avant d'acheter. Dans un magasin en ligne, feuilleter implique voir à l'écran donc potentiellement imprimer (toutes les tentatives pour permettre à l'utilisateur de voir à l'écran sans imprimer étant futiles et vouées à l'échec, comme les DRM). Autant permettre explicitement à l'utilisateur d'imprimer la partition au lieu de faire semblant de vouloir l'en empêcher. Sans même parler du piratage plus classique comme la photocopie d'une partition empruntée à un ami ou à la bibliothèque, qu'il est quasiment impossible d'empêcher en pratique. Autant prendre le taureau par les cornes et autoriser la photocopie, en adoptant une licence du type Creative Commons.

Est-ce idéaliste ? Une partition est un objet particulier. ça n'est pas vraiment un objet fini et prêt à consommer comme un livre, mais un produit intermédiaire destiné à des musiciens. Le produit fini c'est la musique, le concert, le disque. Signalons que les éditeurs perdent en  général de l'argent sur l'impression des partitions, et ils en gagnent avec les droits d'exécution (SACEM) et de reproduction discographique (SACD). Les éditeurs eux aussi pourraient faire des économies et mieux défendre leur écurie de compositeurs s'ils mettaient les partitions en ligne gratuitement. Mais bien peu d'entre eux sont prêts à faire ce geste, même pour les partitions épuisées. Dans ce contexte, il ne reste plus aux compositeurs qu'à se regrouper en coopérative et profiter de l'Internet pour diffuser le produit de leur travail. Si tout va bien, Tamino Productions sera bientôt l'une de ces coopératives.

lundi 28 septembre 2009

C'est au nom de Mozart qu'on assasine

Difficile d'échapper au matraquage publicitaire, et donc d'ignorer l'arrivée de l'énorme super-production Mozart l'Opéra rock. Plutôt que d'observer la bête elle-même, observons les remous que son arrivée provoque dans la blogosphère. Avant même sa sortie, le spectacle suscitait des billets doux au titre évocateur comme l'opéra d'égoût ou encore la plus grosse arnaque de l'année ! Pas besoin de lire ce type de billets pour savoir ce qu'on y trouve: le déclin de la culture, et gna gna gna, et la marchandisation, et gna gna gna. (Pour faire amende honorable, notons que le journal de Papageno avait joint sa voix aux grognons à propos de la chanson tatoue-moi sur tes seins. C'est toujours un peu bête de grogner sur son blog. Il vaut mieux consacrer son énergie à défendre ce qu'on aime. fermons la parenthèse)

Côté rockers, on apprécie diversement: chez MusicalAvenue on craint que ça ne soit qu'un Opéra-rock-à-minettes. Chez Ondes de Rock on regrette: il est bien de démocratiser la musique classique, mais certainement pas en faisant du racolage et en se servant d'un nom pour vendre un produit artistiquement médiocre. Non, vraiment ?

Bien sûr c'est chez les critiques professionnels qu'on trouve la cruauté la plus exquise, chez Jacques Drillon pour le Nouvel Obs qui annonce carrément la deuxième mort de Mozart (le pauvre !) Si d'ailleurs vous tenez à rejoindre le fan-club des grognons anti-opéra-rock et à jeter votre pierre pour contribuer au lapidage médiatique, il y a même un groupe facebook.

Le plus drôle à la réflexion étant l'article dans le Parisien, d'abord pour son style inimitable et typique de ce journal, bourré de pléonasmes et tellement au premier degré: "les tableaux s’enchaînent (...) en finesse, sans dorures dégoulinantes, sans bling-bling outrancier". On y apprend plein de choses sur les coulisses du spectacle, comme le fait que le rôle-titre "a pris des cours avec un coach pour perfectionner son français". Par contre l'article a dû être écrit par un sourd car il n'y est pas question de musique.

Que penserait le divin Mozart de tout ça si un miracle le téléportait à notre époque ? Deux visions de sa musique s'opposent: d'un côté les gardiens du temple qui la servent fidèlement (d'où les recherches sur les instruments d'époques, le Ur-text, etc) mais parfois avec un dogmatisme un peu étroit; de l'autre des artistes qui arrangent, bricolent, composent, vivent avec leur époque et n'ont aucun complexe. Le Mozart d'Olivier Dahan est davantage inspiré par le film de Milos Forman que par la vie du vrai Mozart ? Certes, et alors ? On n'a le droit de ne pas aimer un spectacle pour mille et une raisons; à vrai dire on n'a même pas besoin de raison pour aimer ou pas; mais de là à crier à l'assassin ! Dieu merci la musique, même lorsqu'elle est très mauvaise, ne tue personne.

Pendant ce temps-là, le théâtre du Châtelet a la très bonne idée de nous proposer deux lectures complémentaires de La Flûte Enchantée; la version originale, produite par l'opéra de Montpellier; et une re-lecture contemporaine qui vient d'Afrique du Sud. De quoi s'ouvrir à la création sans oublier ses racines classiques. Si vous n'avez pas encore eu le bonheur d'assister à un opéra de Mozart, ou si vous préférez Wolfgang pur beurre et sans OGM, allez voir la première version; si vous avez déjà vu 10 fois la Flûte à Salzburg, Aix, Zürich et New-York, si vous commencez à vous lasser des concertos où le pianiste joue (trop) sagement une cadence apprise par coeur, faute de savoir ou d'oser improviser, la deuxième version pourrait vous tenter...

La musique de Mozart sera vivante tant qu'elle continuera à inspirer des compositeurs, metteurs en scène, chanteurs et instrumentistes audacieux et inventifs. Le jour où sa muséification sera achevée, on l'on ne pourra plus jouer que le ur-text sur instruments d'époque certifiés conformes, ce jour-là elle sera bel et bien morte.

lundi 21 septembre 2009

Cette mélodie pour toi seul...

Sur le site SHSK'H dont nous avions déjà parlé, Jody Pou et Emily Manzo ont mis en ligne un très bel album regroupant des mélodies d'Anton Webern, et autant de petits bijoux comme Dies is ein lied für dich allein (cette mélodie pour toi seul) ou Sterne, Ihr silberne biene (étoiles, vous, abeilles d'argent). Sur le site on peut écouter treize lieder mais l'album qu'on peut télécharger en comporte vingt-et-un. Il y a là l'intégrale des mélodies avec numéro d'opus (si on ajoutait les mélodies sans numéro d'opus on arriverai à plus de deux heures, comme David Le Marrec nous l'a rappelé).

Outre un programme plutôt original, ces artistes ont fait le pari de l'Internet pour leur distribution, car l'album peut être écouté et téléchargé gratuitement. Sachant qu'il n'est tout de même pas interdit et même vivement encouragé de les rémunérer par un don en ligne. Est-ce une initiative isolée ou le futur de la distribution de la musique une fois que l'industrie du disque aura achevé son agonie ? La voix est belle en tout cas, et le piano a des couleurs intimes qui séduisent. Et l'élégance du site internet assez dépouillé forme un tel contraste avec la vulgarité de nombreux sites de musique en ligne que c'est sidérant.

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