Reçu dans ma boîte à spam, cette pub de la Cité de la Musique:
L'intégrale des symphonies de Beethoven.
Compositeur universel, Ludwig van Beethoven n'a cessé d'influencer des générations de musiciens. La Cité de la musique vous propose l'intégrale de ses symphonies. Interprétée par la Chambre Philharmonique sous la direction d'Emmanuel Krivine et jouée sur instruments d'époque, cette série de concerts retrace la manière dont Beethoven a dépassé toutes les conventions pour projeter le genre symphonique dans l'avenir.
En mon for intérieur, je n'ai pas pu m'empêcher d'être perplexe: si le mec, là, Beethoven, il était tellement moderne qu'aujourd'hui encore il décoiffe les mamies de la salle Pleyel, quel besoin y a-t-il d'utiliser des instruments anciens (ou copies d'ancien) pour le jouer ?
Attention, je n'ai rien de spécial contre E. Krivine et son orchestre: j'ai eu le bonheur de les entendre à Salzbourg il y a quelques années dans un opéra de Mozart, c'était vraiment impec. Du travail soigné, à l'ancienne. Je kiffe les cordes en boyau, les cors naturels, et les pianoforte sans double échappement. Respect total pour les mecs qui font des années de recherches sur le son des instruments. Si le son n'est pas important, qu'est-ce qui est important pour un musicien ?
Cela étant posé, c'est tout de même ahurissant se se présenter comme progressiste alors qu'on se spécialise dans la musique vieille de 200 ans et plus. C'est là la plus grande ruse des musiciens spécialisés dans les instruments d'époque: se faire passer pour modernes et par conséquent, ringardiser ceux qui ne jouent pas comme eux. Pour un peu, on y croirait, à leur fable. Comme si l'histoire de la musique (celle qu'on enseigne dans les histoires de la musique) était définitivement close. Comme si la seule évolution était celle des traditions interprétatives. Comme si la musique qu'on fait aujourd'hui, que ça soit du rock ou du Mantovani, c'était forcément de la merde (alors que tout le monde sait que dans le rock il y a des choses bien parfois). Du reste nous en avons déjà parlé. La muséification à l'oeuvre dans tous les arts, la culte effréné et idolâtre des oeuvres du passé et la réaction des artistes contemporains qui trouvent refuge dans l'absurde, la provocation ou l'anecdotique, tout ça caractérise notre époque et n'augure rien de bon d'ailleurs pour celle qui va suivre.
C'est décidé: la prochaine fois qu'un ayatollah du diapason à 415 Hz, adepte du J-S Bach avec archet convexe et sans un picogramme de vibrato me chauffe les oreilles en me disant qu' on ne peut plus jouer comme ça aujourd'hui, je commencerai par lui rire au nez bien fort avant de répliquer: z-y-va bouffon, tu trouves ça moderne de jouer du violon comme mon arrière-grand-mère ?
(illustration de ce billet: Comme les vieux chantent, ainsi les jeunes jouent de la flûte, toile de Jacob Jordaens, 1638, conservée au musée d'Anvers).