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jeudi 26 février 2009

Concert 1913 par l'Ensemble Intercontemporain à la cité de la musique

Dans la suite du cycle "1913" à la cité de la musique, l'ensemble inter-contemporain et la mezzo Ute Döring nous proposait un programme surtout axé sur la trilogie Viennoise Berg-Webern-Schoenberg, avec

  • Alban Berg: Quatre Pièces, op. 5, pour clarinette et piano
  • Anton Webern Six Bagatelles, op. 9, pour quatuor à cordes
  • Claude Debussy Syrinx, pour flûte
  • Charles Ives Quatuor à cordes n° 2. III.The Call of the Mountains
  • Maurice Ravel Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé, pour mezzo-soprano et neuf musiciens
  • Arnold Schönberg Pierrot lunaire
La mise en scène est conçue pour que les premières pièces s'enchaînent, ce qui est vraiment une bonne idée: pas d'applaudissement ou autres bruits parasites pour distraire notre attention. Les pièces de Berg pour clarinette, que je découvre, sont de petits bijoux. Quant aux bagatelles de Webern, la salle des concerts de la cité de la musique est peut-être un peu grande pour qu'on en profite bien: elles sont fort bien jouées, par des musiciens qui ont l'habitude de jouer ensemble (et de jouer ce type de répertoire) mais ne constituent pas un "vrai" quatuor. Le quatuor de Charles Ives est complètement inclassable: au début les quatre musiciens jouent simultanément des parties différentes, comme s'ils étaient chacun dans son coin. Un tour de force contrapunctique. Puis un grand crescendo amène un sommet (le sommet de la montagne) puis une fin apaisée, aux harmonies extrêmement subtiles.

Ensuite ce sont les mélodies Ravel, entendues pas plus tard qu'hier dans la réduction pour voix et piano. Superbe interprètes, même si Ute Döring n'a pas la sensualité de Stéphanie d'Oustrac ni la même clarté dans la diction.

Après ces amuses-gueules tout à fait délectables, et un entracte, on passe au plat de résistance avec le Pierrot lunaire. Assez curieusement, la notice des programmes mentionne deux fois Boulez et son Marteau sans maître: c'est un peu comme si on parlait des symphonies de Beethoven en écrivant Anton Bruckner s'en est beaucoup inspiré, il a lui aussi écrit neuf symphonies et utilisé la forme sonate dans le Finale et le mouvement lent. Quoi qu'il en soit, on trouve dans Pierrot Lunaire une ironie, un charme viennois et décadent qu'on chercherait en vain dans le Marteau sans maître. C'est dans ce Pierrot Lunaire qu'Ute Döring déploie vraiment son talent. Je ne saurais trop dire comment elle a travaillé le fameux sprechgesang, ce chanté-parlé inventé par Schoenberg qui a fait couler tant d'encre, mais le résultat est très convaicant: on distingue bien la hauteur des notes, et le timbre est un mélange de voix parlée et de voix chantée. Si la couleur qui domine est comme il se doit une blancheur blafarde, on distingue bien d'autres couleurs dans chaque pièce, des contrastes, des ruptures. Le tout est très expressif, ou peut-être devrais-je dire expressionniste ?

De retour, discussion dans le métro pour savoir si ces oeuvres écrites il y a presque 100 ans sont contemporaines ou non. Le problème qu'il y a à les définir comme contemporaines est qu'on fige la notion de contemporain, et qu'on la restreint en quelque sorte à un style de musique particulier. C'est un débat qu'on a déjà eu dans ce journal, et ma préférence va à une définition plus neutre musicologiquement, et surtout plus ouverte: la musique contemporaine est l'ensemble de tout ce qui a été écrit durant ces 50 dernières années. Qu'on aime ou non leur musique, Schoenberg et Webern appartiennent désormais au répertoire, et leurs oeuvres sont devenus des classiques qu'on reprend de génération en génération.