Lu récemment, une sorte de polar
commis par Claude Abromont, qui dans le civil est prof d'analyse
musicale dans certain conservatoire parisien très chic. Comme dans
tout bon polar, il y a de la viande froide au menu. Mais la victime
n'est rien d'autre que l'inventeur de l'holomusicogramme, étrange
appareil qui permet non seulement de comprendre visuellement la
structure de la musique de manière très intuitive et en 3D s'il
vous plaît, mais aussi d'interagir avec la musique.
L'holomusicogramme rêvé par Claude Abromont serait donc (si
d'aventure on en fabriquait un) davantage que l'outil ultime du
musicologue : un véritable instrument de musique, produit par
le croisement improbable entre le Thérémine, les jeux vidéos façon
Guitar Hero et la
présentation powerpoint d'un cours d'analyse musicale pour les nuls.
C'est aussi, dans l'idée de l'auteur, un objet de collection qui
peut atteindre des prix faramineux, à l'instar de certaines œuvres
des arts plastiques.
Tout cela est fort
amusant et parfois instructif. Si les maigres développements
consacrés à la psychologie des personnages font plutôt penser à
un tome pas particulièrement inspiré de la collection Harlequin, si
le style littéraire est banal et sans couleur particulière, les
passages consacrés au microcosme de la musique ancienne ou
contemporaine, avec ses chapelles, ses haines féroces, son jargon,
ses dieux et ses idoles, sont des plus réjouissants.
On
peut sans doute reconnaître dans l'auteur un érudit, un passionné,
ainsi qu'un esprit facétieux par moments. Ce livre est semé
d'allusions et de blagues pour initiés. Pour ne donner qu'un
exemple, lorsqu'il imagine une Opération Walkyrie
qui consiste à projeter la vidéo de l'opéra de Wagner à côté
d'une analyse en temps réel des leitmotives,
les lecteurs les plus jeunes ne se souviendront peut-être pas
qu'Opération Walkyrie est le nom de code d'un complot des officiers allemands pour tenter d'assassiner Hitler en juillet 1944...
Comme
une symphonie de Haydn, cette Symphonie Criminelle
d'Abromont est spirituelle et plaisante ; elle se lit en trois
heures avant d'être rangée dans un rayon des inclassables et des
curiosités, hybride indéfinissable entre le polar, l'anticipation,
et la vulgarisation musicologique. Il ne reste plus à Claude
Abromont qu'à construire un prototype et déposer le brevet de
l'holomusicogramme avant de le proposer à Yamaha, Sony ou Microsoft,
afin de savoir si c'est une révolution, l'instrument de musique du
XXIe siècle, un gadget de plus ou encore un simple fantasme de
musicologue.