En exclusivité sur le journal de Papageno, voici le résultat du vote. Non, je ne parle pas du scrutin pour élire des députés européens dont apparemment personne n'a rien à faire, mais du seul vote qui comptait vraiment aujourd'hui: celui du jury du diplôme de composition de l'Ecole Normale de Musique. Courant sous les couleurs du coach Michel Merlet (gilet sériel, bottes modales, casaque tonale) j'ai présenté trois pièces au jury:
- Petites Fanfares Célestes, pour ensemble de cuivres, jouées par KABrass sous la direction de l'excellent Xavier Saumon,
- Sombres Pensées, pour violoncelle seul, jouées par le non moins excellent Benoît Stroh
- deux des Poèmes d'après Yourcenar, pour clarinette alto et piano, jouées par les excellents Mathieu Prévot et Aurélia Céroni, et moi-même.
Il me faut ici remercier les interprètes pour leur travail bien sûr mais aussi pour leur enthousiame et leur soutien chaleureux qui a énormément compté pour moi, depuis le projet ("Patrick, tu ne voudrais pas écrire quelque chose pour KABrass" ou "Benoît, si j'écrivais un truc moderne imb****able pour violoncelle, tu le jouerais ?"), les premières esquisses, la rédaction, jusqu'aux les répétitions, révisions de détail, concerts et séances d'enregistrement.
Je vous propose d'écouter le premier des
Poèmes, capté sur le vif cet après-midi. La partition porte deux vers de Marguerite Yourcenar, tirés des
Charités d'Alcippe, en exergue:
Goutte à goutte épanché sur l'obscur auditoire,
Le son du violon roule encor comme un pleur.
Le verdict: reçu à l'unanimité pour le diplôme de composition. Bien sûr ça fait plus propre sur un C.V. que "recalé deux fois de suite", mais il convient de relativiser un résultat qui de l'aveu même des professeurs est des plus difficiles à prévoir, et réserve chaque année des surprises, bonnes ou mauvaises. Même sans remettre en cause le sérieux et la compétence des membres du jury (et celle de MM Louvier, Margoni et Mansart n'est plus à prouver), la diversité des esthétiques, la variété des techniques, la subjectivité de la perception de ce qui est beau, surtout lorsque c'est un compositeur qui écoute un autre compositeur, font qu'il reste toujours une part d'arbitraire dans les résultats. Comme pour les prix littéraires, la liste des reçus et des exclus laisse parfois un peu rêveur... Du reste tout cela ne date pas d'hier.
C'est donc un simple panneau sur le bord de la route: il est vert, il aurait pu être rouge, la route continue. Ce qui compte est bien le chemin parcouru, et bien plus encore celui qui reste à parcourir et toutes les rencontres qu'on peut faire en chemin. Si mes pensées (qui n'ont rien de sombre aujourd'hui) vont tout d'abord à mon professeur Michel Merlet qui m'a tout appris et bien plus, je ne peux terminer ce billet avant d'avoir salué amicalement mes collègues apprentis compositeurs de l'ENM, de qui j'ai beaucoup appris également, et de leur souhaiter tous le bonheur qu'ils et elles méritent dans le très difficile et très ingrat métier de compositeur.