Voici que le silence a les seules paroles
Qu'on puisse, près de vous, dire sans vous blesser.
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.
À l'heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.
C'est à votre douceur que mon sentier m'amène.
Dans ce sol lentement imprégné d'âme humaine,
L'oubli, lent jardinier, extirpe les remords.
L'impérissable amour erre de veine en veine;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L'éternel rendez-vous de la terre et des morts.
Marguerite Yourcenar, extrait des Sept poèmes pour une morte, Les Charités d'Alcippe, éditions Gallimard.