Une Flûte de poche au Théâtre des Variétés
Par Patrick Loiseleur le samedi 21 juin 2014, 11:43 - Opéra - Lien permanent
A l'affiche au théâtre des Variétés jusqu'au 12 juillet prochain, une version de poche fort sympathique et enjouée de la Flûte enchantée. L'orchestre est réduit à quatre musiciens (violon, alto, hautbois, basson) qui jouent sur scène, de mémoire, et dont les mouvments sont intégrés à la mise en scène. Il s'agit donc de théâtre musical (comme l'histoire du soldat de Stravinsky) plutôt que d'opéra. Les coupures sont nombreuses, les dialogues parlés ont été réécrits en français plus que traduits, mais l'essentiel du chef-d'oeuvre de Mozart est préservé.
Les lecteurs de ce journal savent que ce n'est pas trop mon habitude de distributer les bons et les mauvais points aux chanteurs, et je le ferai d'autant moins que cette production repose sur deux équipes tournantes et que vous pourrez donc entendre une autre Pamina que moi. Je me contenterai de dire que toute cette production respire la fraîcheur, la jeunesse, l'enthousiasme et qu'on ne s'ennuie pas une seconde en l'écoutant.
Certaines trouvailles de mise en scène sont ingénieuses: ainsi point de flûte sur scène, mais les mélodies pour flûte dont la fameuse flûte enchantée de Tamino qui fait danser les bêtes sauvages sont diffusées à partir de sons enregistrés. Ainsi nous voyons Tamino souffer dans une flûte invisible dont les sons semblent sortir de l'air comme par magie. De même pour le carillon de Papageno.
Je ne peux m'empêcher de voir dans la scène de Tamino charmant les bêtes sauvages une métaphore de Mozart lui-même, doté de son seul art pour faire face à la férocité du monde, du pouvoir, de l'argent. Que peut une simple flûte contre la force brute ? Rien, et tout à la fois. Elle peut nous émouvoir, et n'est-ce pas là le plus grand de tous les pouvoirs ?
Il me faudrait citer chaque aria, comme celui de Pamina devant Tamino immobile et silencieux, qui m'arrache des larmes à chaque fois, ou la célébrissime colère de la reine de la Nuit, sans parler de Papageno bien entendu... et tout cela nous emmènerait fort loin. Je le réserve à une série de billets futurs.
Le pari d'adapter le plus bel opéra de Mozart au théâtre et de séduire un public qui n'est pas forcément composé d'amateurs d'opéra est tenu. Cette mini-production avec des moyens qui n'ont rien en commun avec une production d'opéra ne manque ni de charme ni d'entrain. Elle décevra peut-être les puristes qui préfèrent un grand orchestre et les arias avec tous les couplets; mais elle enchantera tous les autres.