Avid licencie les développeurs de Sibelius et s'attire la colère des utilisateurs

Sibelius est le nom du plus célèbre compositeur finlandais, mais c'est aussi celui d'un logiciel d'édition de partitions, l'un des deux meilleurs qu'on puisse trouver (l'autre étant Finale de MakeMusic qui existe depuis plus longtemps). C'est aussi la success story d'une start-up créée par deux jumeaux qui ont réussi en quelques années à tailler des croupières à leur principal concurrent et à passer du statut d'outsider à celui de référence. Ce succès s'explique avant tout par les qualités du logiciel qui est sans doute l'une des IHM les plus élégantes et les plus efficaces que j'ai jamais utilisé (et je passe plus ou moins mes journées à utiliser ou écrire des logiciels sur toutes les plate-formes depuis 15 ans).

Sibelius a été racheté en 2006 par Avid, un groupe surtout connu comme le vendeur de Pro Tools. Et l'on a appris récemment qu'Avid a licencié toute l'équipe de développement de Sibelius, basé à Londres, à proximité des utilisateurs car Londres demeure la capitale mondiale de la musique pour l'image (cinéma, télévision, publicité). Dans le but de les remplacer par une autre équipe basée en Ukraine apparemment.

Pas besoin d'être un expert de l'industrie du logiciel pour savoir combien cette décision est désastreuse. L'expertise est une chose rare et le capital le plus précieux d'une entreprise de logiciels, bien avant le code source du logiciel lui-même. Il ne suffit pas de trouver des gens diplômés et expérimentés pour monter une bonne équipe, et il ne suffit pas d'avoir une bonne équipe pour développer un bon logiciel. Les logiciels sont des produits d'une telle complexité qu'on a vu bien souvent des projets coûtant des années et des millions déboucher sur des produits tout juste bons à jeter. Les anecdotes de ce genre abondent dans l'industrie du logiciel, et comme tout développeur tant soit peu senior j'ai connu un certain nombre de projets qui sont allés dans le mur dans mon entourage professionnel immédiat.

En supposant qu'Avid trouve des développeurs compétents en Ukraine (ce qui est fort possible) ces ingénieurs vont créer deux bugs à chaque fois qu'ils essaieront d'en corriger un, simplement parce qu'ils ne maîtriseront pas les subtilités du code source. De plus ils souffriront d'éloignement par rapport aux utilisateurs et risquent de passer du temps sur des fonctionnalités que personne ne réclame tout en négligeant les bugs qui font râler tous les utilisateurs. Une des grandes qualités de Daniel Spreadbury et son équipe était la proximité avec les utilisateurs, notamment par le biais des forums du support technique.

Il y a donc tout à craindre que les prochaines versions de Sibelius ressemblent à celles de Pro Tools: à part le numéro de version, le support ce nouveaux matériels ou systèmes d'exploitation, aucune nouveauté à attendre et des bugs qui ne seront jamais corrigés. On peut même raisonnablement attendre qu'avec l'entropie naturelle que j'ai mentionné le produit devienne de plus en plus buggué avec le temps.

Sans même parler de l'aspect moral (mettre à la porte une équipe ayant connu une réussite aussi impressionnante et produit un logiciel des plus rentables) c'est donc une décision de management catastrophique, une balle dans le pied, mais tirée avec un lance-roquette. Au point de susciter la colère des utilisateurs qui se sont regroupés sur des sites internet comme sibeliususers.org ou sur facebook pour faire savoir leur inquiétude au management d'Avid. A bon entendeur...

Commentaires

1. Le vendredi 17 août 2012, 21:49 par Michel

Peut-être est-il temps de passer à une solution libre ... Ça va laisser de la place à musescore, mais il reste encore le problème des instruments (http://www.nilsgey.de/2012/08/16/op...)