Au matin du septième jour, pour alto et piano

Au matin du septième jour est le titre d'une pièce relativement courte (un peu plus de 4 minutes) pour alto et piano, écrite l'été dernier à Courchevel et créée à Courchevel toujours avec l'excellent Philippe Colin-Hattat au piano. Légèrement révisée, cette pièce a été créée en Belgique le 14 juin dernier par le compositeur à l'alto et Brigitte Foccroule au piano.

Comme le suggère un peu le titre (qui fait allusion au jour de repos qui a suivi les six jours de la création selon le mythe de la Genèse), le nombre sept joue un rôle important dans cette pièce: ainsi on trouve une série de 7 accords de 7 notes sur un rythme de 7 temps. Cette série est répétée quatre fois, sur le modèle d'une chaconne, ou d'un thème et variations si vous préférez, afin d'atteindre 28 mesures (28 est un nombre parfait comme chacun le sait bien).

Ce qui m'intéressait il y a un an avec ces accords de 7 sons est qu'ils produisent une impression de centre tonal assez nette malgré leur complexité. On pourrait peut-être les qualifier de musique hypertonale, dans le sens où ils généralisent les triades ou les neuvièmes de l'harmonie tonale. Chacun d'eux est construit avec les sept notes d'une gamme, le premier par exemple regroupe tous les degrés de la "gamme acoustique" de Bela Bartok (avec quatrième degré augmenté et septième degré abaissé par rapport au mode majeur):

accord_hypertonal.png

Il faut laisser ces accords se déployer dans un temps assez long pour que l'oreille profite de leurs couleurs riches et même légèrement saturées. Avec un peu de recul, un an après, je trouve ces couleurs toujours aussi belles et fascinantes. Cependant le point faible de cette pièce est de s'appuyer sur ce travail harmonique exclusivement, sans mettre ces harmonies aussi belles que statiques en contraste avec des éléments plus rythmiques ou plus dissonants.

Les membres du jury de la classe de composition du conservatoire de Liège m'ont dit qu'ils trouvaient la pièce fort bien construite mais pas excessivement originale, avec un petit côté "musique française des années 1940". Ce qui n'est pas faux du tout. Je ne suis pas extrêmement content de cette pièce qui n'est pas ce que j'ai écrit de plus personnel ou de plus audacieux, mais je la conserverai à mon catalogue car elle comporte tout de même une assez jolie ligne mélodique à l'alto qui pourrait séduire justement les altistes que le contemporain pur et dur n'attire pas plus que ça.

Du reste, chers lecteurs, vous n'êtes pas obligés de me croire sur parole et pouvez jeter un coup d'oreille au mp3 (un grand merci à la pianiste Brigitte Foccroule qui a réalisé un travail fantastique avec cette pièce m'autorise à partager l'enregistrement avec vous):

 

La partition est disponible sur le site Tamino Productions (au format numérique ou comme partition imprimée à la demande).

Commentaires

1. Le samedi 30 juin 2012, 15:41 par DavidLeMarrec

Ah oui, en effet, quelque part entre les mélodies décadentes (Florent Schmitt, Louis Beydts...) et Messiaen. En tout cas, ça a beaucoup de charme, comme souvent avec votre musique.

En l'occurrence, ça sonne vraiment français. (Et effectivement, c'est superbement joué au piano, sacrément timbré.)

2. Le lundi 30 juillet 2012, 16:51 par Edith

C'est très beau. Vraiment très beau... J'avais pensé aussi à Florent Schmitt, et à Frank Martin... pour tenter de trouver des repères... Mais c'est une musique originale qui ne ressemble en rien à une redite.

3. Le samedi 18 août 2012, 13:14 par nigelkeay

Je l'aime bien ; si j'arrive à trouver un pianiste et à monter un programme alto/piano je la jouerai. Même si le début évoque pour moi la musique de Messiaen elle part très vite vers quelque chose d'original.