Je travaille donc je suis

Le titre de ce billet est une citation empruntée à Maria Callas (que je cite de mémoire, sans aucune source fiable). 

Vous vous demandez peut-être, chers lecteurs et lectrices, pourquoi je vous néglige autant ces derniers temps. Ce ne sont pas les idées de billets drôles ou instructifs qui manquent pourtant. C'est que j'ai du travail, et une fin d'année des plus chargées au conservatoire (de Liège pour ceux qui ont suivi les épisodes précédents). Le minimum syndical voudrait que j'annonce les concerts de juin auquel je participe, et ce sera fait très bientôt, mais en attendant, voici juste une image assez parlante du quotidien d'un compositeur. Le plus dur, comme vous le savez, n'est pas de trouver l'inspiration. Les idées, vraiment, ça vient tout seul, il suffit de lever le nez de sa feuille et de rêvasser quelques secondes pour en attraper une. Le plus dur et surtout le plus long c'est de corriger tout ces petits détails chiants d'harmonie, contrepoint, instrumentation, instructions pour les modes de jeu bizarres, sans même parler de choses bassement matérielles comme la typographie. Ce n'est pas de la maniaquerie: c'est avant tout une marque de respect pour les musiciens qui vont passer du temps à travailler et jouer une partition que de faire le maximum pour leur proposer un beau texte. Un machin au poil, dont les harmonies sont aussi chiadées que la mise en page est élégante et aérée.

La procédure est la suivante: prenez une partition qui a l'air aussi parfaite que ma chère épouse quand on la regarde sur l'ordinateur. Imprimez-la, relisez attentivement, trouvez rapidement de véritables horreurs, raturez énergiquement en vert, en bleu, en rouge selon le stylo qui vous tombe sous la main. Gardez en outre du papier à musique sous la main pour les mesures ajoutées ou réécrites entièrement. Après une dizaine d'itérations et autant d'heures de travail par page, ça commence à s'éclaircir un peu:

partition_corrections.jpg

Lorsqu'on finit par presque voir les notes sous les corrections, la fin du tunnel approche. Et si on est complètement masochiste, il faut faire cela non avec une partition récente, mais avec un vieux machin comme ce Trio pour Piano, Violon et Violoncelle qui date de l'antiquité, c'est à dire 2006, et que j'ai dû ressortir du placard sous l'amicale pression de mon père qui voudrait le jouer prochainement. C'est un peu comme peigner une girafe avec un cure-dent un soir de pleine lune: c'est tout à réjouissant en soi mais c'est long, c'est long, c'est long...