Arkheion #4 Aurélie Loiseleur Wilfrid Wendling

Une immersion complète durant 90 minutes dans l'univers d'une poète et celui d'un musicien. C'est ainsi que je serai tenté de résumer le spectacle Arkheion #4 présenté à la Maison de la Poésie de Paris par Wilfried Wendling (compositeur) et 5 poètes dont celle que j'ai pu écouter (Aurélie Loiseleur).

Dès l'entrée dans le sous-sol de la maison de la poésie, les spectateurs sont immergés dans une performance qui a déjà commencé. Ils sont invités à déambuler dans quatre salles petites et voutées, dans lesquelles jouent quatre musiciens (Irène Lecoq au violon, Cyprien Busolini à l'alto, Deborah Walker au violoncelle, Charlotte Testu à la contrebasse). Ils jouent très doucement et avec de grosses sourdines mais (comme j'allais l'apprendre en discutant avec les musiciens après le spectacle) le son est amplifié, traité en temps réel et spatialisé. La résultante sonore est quelque part entre le bruit blanc et la guitare électrique saturée, ça gratte un peu à mon goût mais c'est assez prenant. Par ailleurs des images d'archives de poètes (Apollinaire, Aragon et bien d'autres) récitant leurs textes sont projetées par courtes séquences sur les murs. Surgissant au milieu de la musique fortement bruitiste de Wendling, la voix des poètes semble avoir traversé le temps et l'espace pour parvenir jusqu'à nous. D'autres images plus abstraites (formes géométriques mouvantes en noir et blanc) sont également projetées.

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Après une dizaine de minutes, les spectateurs puis les musiciens rejoignent un à un la pièce principale où la poète fait son entrée. La récitation va commencer. Pour ce projet, Wilfried Wendling avait préparé une vingtaine de séquences (des « caractères ») où l'on retrouve tous les styles de l'écriture contemporaine pour cordes. On pense à Scelsi par exemple dans la séquence où les quatre instruments, sur la même note, jouent avec des micro-intervalles, des battements, des glissandi extrêmement lents. On pense à Ligeti (2e quatuor, Kammerkonzert) lorsqu'on entend des pizzicati, chaque instrument sur la même note, à des vitesses différentes. On pense à Lachenmann et à d'autres dans les passages purement bruitistes. On pense à Radulecu et aux spectraux lorsque la contrebasse émet un mi grave décoré par des harmoniques en trémolo dans le suraigu des autres cordes. Ou encore à Luigi Nono pour la pièce qu'on entendra en dernier, très dépouillée, au confins du silence. Les musiciens n'ont pas de partition : ils ont mémorisé chaque séquence (dont les éléments de base sont assez simples), ils s'écoutent, accompagnent souplement la récitante et improvisent les transitions.

La poète a pu composer son spectacle en choisissant dans ce « réservoir de propositions » ou « labyrinthe musical » les pièces exécutées avec chaque lecture, ou comme interlude entre deux lectures. Aurélie Loiseleur a également choisi de réciter un poème sans musique, et de faire revenir certains poèmes deux fois, avec une séquence musicale différente (et une manière de réciter différente également). Ses gestes sont sobres mais c'est une véritable performance d'actrice qu'elle nous offre. Par ailleurs la synthèse entre voix parlée et musique fonctionne étonnamment bien. J'avoue qu'en écoutant sur CD avant le spectacle les séquences préparées par Wilfried Wendling, tout en trouvant la diversité d'ambiances intéressante, je me demandais comment les séquences pouvaient s'enchaîner et pourquoi il n'y avait pas vraiment de variations ou de développement à l'intérieur d'une même séquence. Cependant, ces matériaux ne sont pas une composition autonome pour quatuor à cordes mais un point de départ pour l'improvisation et le dialogue avec la voix parlée. Et le résultat final est des plus convaincants : la modernité radicale de Wilfried Wendling (ça pique et ça gratte par moments) s'harmonise parfaitement avec celle des textes d'Aurélie Loiseleur (il faudra un jour que je publie dans ce journal poésie râpe, un beau texte où elle expose sa conception de la poésie dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle se situes aux antipodes des néoromantiques).

L'heure passe aussi vite qu'un clin d'oeil et une fois le dernier mot prononcé, les derniers sont éteints dans un souffle, le public reste un moment silencieux, chacun étant renvoyés à ses propres émotions, à ce que le pouvoir des mots associés à celui de la musique a pu remuer au plus profond. Sans vouloir, faute d'en être capable, rentrer dans le détail desdites émotions (que ne suis-je poète), je voudrait tout de même adresser un joli coup de chapeau aux artistes. Voilà du beau boulot !

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Commentaires

1. Le mercredi 18 mai 2011, 14:15 par Tom

Ça a l'air sympa! (j'ai du m'y reprendre à deux fois pour ne pas lire "nécromantiques" mais "néoromantiques")