Ce petit air qui me trotte dans la tête... les virus auditifs

C'est un phénomène que nous avons tous connu: un fragment de musique sorti d'on ne sait d'où dans notre mémoire, et qui se répète en boucle comme un disque rayé. Une fois qu'on l'a dans le crâne, impossible de le faire partir ! Qu'on travaille, qu'on fasse la vaisselle, qu'on écoute de la musique même, il revient sans cesse, pour nous torturer parfois jusqu'à l'obsession, et nous priver de sommeil !

Et c'est encore plus contagieux que le virus de la grippe H1N1 ! Il suffit de fredonner l'air à une tierce personne pour qu'elle soit également contaminée par ce que les anglais et les américains appellent music worm ou encore ear worm. Mark Twain en a fait le sujet d'une nouvelle d'une irrésistible drôlerie, Punch, Brothers, Punch ! qu'on peut lire en ligne sur des sites comme readbookonline. Dans la nouvelle de Mark Twain il ne s'agit pas d'une chanson ou d'un air musical mais d'une sorte de refrain ou de comptine qui n'est pas sans évoquer Le poinçonneur des lilas créée par Serge Gainsbourg en 1958 (des p'tits trous, des p'tits trous, encore des p'tits trous...).

Encore plus amusant, la mélodie écrite par Gary Bachlund en 2008 sur le refrain de Mark Twain. Elle a comme caractéristique de n'utiliser que les 7 notes de la gamme de do (autrement dit, les touches blanches du piano), tant pour la ligne vocale que pour l'accompagnement, ce qui n'empêche pas quelques dissonances pour pimenter le tout.

Lorsqu'on l'a attrapé, comment se débarrasser d'un virus auditif (des p'tits trous, des p'tits trous... ) ? Les meilleurs spécialistes se sont penchés sur la question, sans grand succès (et des p'tits trous et des p'tits trous....) . Les médicaments psychotropes ou dans les cas extrêmes la chirurgie donnent des résultats contrastés (encore des p'tits trous...). Ils peuvent aussi bien aggraver les symptômes que les faire disparaître. Au passage,  certains neurologues comme Oliver Sacks ont noté que les hallucinations auditives sont plus fréquentes (des p'tits trous... ) que les hallucinations visuelles. Sans doute à cause de la nature de la mémoire auditive, qui est bien plus fidèle et précise que la mémoire visuelle. L'oeil pouvant enregistrer beaucoup plus d'information que ce que notre cerveau peut traiter, nous simplifions et analysons nos perceptions visuelles avant de les mémoriser (encore des p'tits trous...), ce qui fait que la mémoire visuelle est éminemment personnelle et subjective. La mémoire auditive l'est également, mais elle l'est beaucoup moins: de nombreux tests l'ont montré, après une seule écoute, la plupart des gens peuvent restituer une mélodie avec le bon rythme, les bons intervalles, et ce avec une précision vraiment étonnante (et des p'tits trous et des p'tits trous....).

La médecine étant impuissante dans ce domaine,on doit se contenter des recettes de grand-mère. Parmi celles qu'on recommande généralement (des p'tits trous, des p'tits trous... ):

  • soigner le mal par le mal: si l'on a identifié la chanson ou le morceau dont est tiré le virus auditif, écouter la vraie chanson en entier peut aider à s'en débarrasser;
  • plus efficace encore, chanter ou jouer sur un instrument le morceau qui nous trotte dans la tête; là encore il faut le donner en entier, et le pas se contenter du fragment qui revient en boucle dans le cortex auditif (et des p'tits trous et des p'tits trous....)
  • jouer, chanter, écouter plusieurs fois un autre morceau qui n'a rien à voir. Les résultats sont difficiles à prévoir: soit le virus revient comme avant (des trous d'première classe, ), soit il disparaît, soit il est remplacé par le nouveau morceau
Certains n'ont pas hésité à recourir à des méthodes encore plus radicales, à tel point qu'on ne saurait vraiment recommander de les imiter :
  • la méthode Van Gogh qui consiste à se couper le lobe de l'oreille (ce qui n'a malheureusment aucun effet sur les virus auditifs)
  • la méthode Beethoven qui demande un certain travail tout de même: écrire trente-deux ou trente-trois variations, façon Diabelli ou WoO 80.
  • la méthode Wagner: on fait construire un théâtre où l'on bombarde les victimes de leitmotives durant quatre heures, de manière à garantir une contamination efficace. (même la grippe espagnole de 1918 n'a pas fait autant de victimes que le wagnérisme)
  • la méthode Werther, résultat garanti mais dommages collatéraux irréversibles: une balle dans la tête.
Sur ces bonnes paroles (et des p'tits trous et des p'tits trous et des p'tits trous....) il ne me reste qu'à me passer la tête sous l'eau bien froide pour tenter d'oublier... Au fait, personne n'aurait vu ma poinçonneuse ?


Commentaires

1. Le samedi 5 septembre 2009, 20:33 par Azbinebrozer

Pour se débarrasser de ce petit virus, prendre son mal en patience. Chantonner ou siffloter l'air entêtant dans la rue au travail, loin du creux du coude. S'en suivra une pandémie de bonne humeur béate et chantonnante ! Non ?

2. Le lundi 7 septembre 2009, 10:28 par raphael

génial cet article :)

3. Le jeudi 10 septembre 2009, 11:25 par klari

Tiens, dans Kaamelott ils recommandent effectivement de beugler à pleins poumons l'air incriminé pour s'en débarrasser.

Un des pires virus d'oreille qui soit est la Washington Post March de Sousa... En plus, elle éradique tt ce qu'on a pu jouer de subtil et d'intéressant avant...