Intégrale des sonates de Schubert à l'Archipel
Par Patrick Loiseleur le mercredi 20 mai 2009, 22:51 - Concerts - Lien permanent
Alfref Brendel a maintenant pris sa retraite, mais heureusement nous ne manquons pas de bons pianistes pour jouer Schubert. Du 18 au 26 mai, l'Archipel propose une intégrale des sonates pour piano avec des interprètes tout à fait recommandables: Hélène Couvert, Christie Julien, Alexandre Léger, Ferenc Vizi, Sodi Braide et Rebecca Chaillot. De quoi s'enivrer des divines longueurs
schubertiennes.
Commentaires
Deuxième billet consacré au bonhomme Schubert en deux semaines. Si ce n'est pas un appel, qu'est-ce donc ? Je me jette à l'eau, dans cet immense océan de la musique allemande, apparemment le premier, étant donné le faible nombre de commentaires déjà laissés.
Wilhelm Kempff disait des longeurs schubertiennes qu'elles seraient imputables à l'interprète. Bien comprises, elles seraient divines.
Vous dites que nous ne manquons pas de pianistes pour jouer Schubert, mais il ne faut pas être pianiste pour le jouer, il faut être simplement humain.
"mais Schubert a-t-il jamais été autre chose qu'un jeune homme ?"
si : un homme jeune.
"Moins souvent jouées en concert que les pièces courtes du même Schubert (Impromptus, Moments Musicaux) ou que les sonates de Beethoven"
Elles sont peu jouées car très longues et, à tort, comparées à ce qui serait une référence absolue : la sonate beethovénienne.
Facilement vingt minutes pour les premières, plus de quarante minutes pour la dernière. Les sonates me semblent plus intéressantes que certains Moments musicaux.
"elles gagneraient à être mieux connues, surtout celles de la maturité"
Tout dépend de ce que vous appelez "maturité"... Les sonates de Schubert ont toute un réel intérêt musical.
Les sonates de Schubert (une proposition d'écoute très ciblée) :
L'Andante de la D157 de 1815 avec ses contrastes et son utilisation dramatique des silences dans l'accompagnement.
La "Sonate" D459 de 1816, mieux connue sous le nom de Fünf Klavierstücke : écouter le Scherzo con Trio.
La Sonate D537 en la mineur, très brahmsienne, avec un charmant deuxième mouvement. Elle date de 1817.
La Sonate D568 en mi bémol majeur de 1817, doucement rêveuse dans le premier mouvement.
Voilà pour les sonates d'apprentissage. Maintenant les sonates de la période Sturm und Drang :
La très chopinienne Sonate D625 de 1818, en particulier dans le mouvement final, qui fait penser au final de la Sonate "Marche Funèbre" de Chopin.
La monumentale Sonate en la mineur D784, de 1823. Toute en accords plaqués et en octaves dans le premier mouvement. Quelle violence !
La Sonate en ut majeur D840 dite "Reliquie", dont le premier mouvement semble être une réduction pour piano d'une oeuvre orchestrale. Liszt avant la lettre.
La D845 en la mineur aussi, de 1825. Souvent comparées aux sonates de Beethoven. Le premier mouvement en a l'ampleur. Le deuxième mouvement, très mozartien, révèle un malaise profond qui éclate après une sorte de laendler.
La Sonate D664 en la majeur, de 1825, caractérisée par le brillant de la tonalité de la majeur dans le premier mouvement et la douceur nocturne d'un ré majeur dans le deuxième mouvement Andante.
Les sonates de la maturité (et de la fin) :
Celle en sol majeur opus 78, de 1826. Aucun défaut de fabrication. Elle est agrémentée d'un charmant Menuetto et le mouvement final sous forme de rondo Allegretto confère à l'expression de "serre schubertienne" tout son sens.
Les trois dernières sonates, de 1828 :
Celle en ut mineur D958 : d'ampleur beethovénienne certes, elle me fait aussi penser au Chopin des premières oeuvres (notamment sa sonate en... ut mineur). Sublime Adagio. Macabre danse finale.
La Sonate en la majeur D959 : à mon avis la meilleure. Avec une mention spéciale pour le théâtral Andantino.
L'ultime sonate D960 en si bémol majeur. Elle se passe de tout commentaire.
Le parcours était non exhaustif et subjectif.
Merci pour le parcours, Jean-Brieux.
Je dois dire que je suis un peu perplexe sur non pas l'intérêt (c'est au moins documentaire, donc légitime), mais sur le caractère supportable d'une telle intégrale : déjà que les dernières sonates bégayent lourdement malgré leurs beautés (inégales au demeurant, même pour la célébrississime dernière), les plus anciennes... La naïveté qui peut s'apprécier accompagnée d'un texte de haute facture devient un peu plus lisse en musique pure.
J'aurais plus été partisan d'un bouquet Czerny / Wagner en complément, tant qu'à faire dans le séduisant, mais pour sûr, le projet aurait été moins cohérent - et donc moins attractif, parce que le spectacle vivant n'est pas le disque : si on a raison trop tôt, on a tort, c'est le soir même qu'il faut remplir...
@Papageno
Bonjour, en allant sur le site, il semblerait que le cycle Schubert ait lieu du 18 au 29 mai et le Festival Schubert jusqu'au 30 mai - je n'ai saisi le subtil distingo entre cycle et festival....
@DavidLeMarrec
"je suis un peu perplexe [...] sur le caractère supportable d'une telle intégrale"
J'ai l'intégrale des Sonates de Schubert par Wilhelm Kempff : je l'ai écoutée à de multiples reprises et je suis toujours en vie. :-)
d'ailleurs je ne peux que la conseiller aux lecteurs et blogueur du site.
Une audition de l'intégrale des Sonates en salle de concert et dans le désordre serait-elle moins supportable ?
"déjà que les dernières sonates bégayent lourdement malgré leurs beautés [...], les plus anciennes..."
Il y a un présupposé à penser que les Sonates de la maturité seraient meilleures que les plus anciennes. Ainsi, la trajectoire individuelle d'un compositeur serait linéaire. Rien n'est moins certain, du moins a priori.
En outre, je ne vois pas en quoi les dernières (voire les premières) Sonates de Schubert bégayent, de surcroît lourdement. J'ai le souvenir de quelques longeurs parfois semi-divines, mais à part cela je ne vois pas.
J'aimerais partager votre impression : pourriez-vous me donner des exemples précis de passages où ça bégaye lourdement ou de séquences trop répétitives ?
"inégales au demeurant, même pour la célébrississime dernière"
Difficile d'être également sublime pendant 40 minutes. Il n'y a peut-être que le Requiem de Mozart/Süssmayr pour y parvenir. La D960 n'est pas la meilleure, je pense.
"La naïveté qui peut s'apprécier accompagnée d'un texte de haute facture devient un peu plus lisse en musique pure."
Vous préférez donc, si je vous suis, les lieder de Schubert. Ne relèvent-ils pas de la musique ...pure ?
"J'aurais plus été partisan d'un bouquet Czerny / Wagner en complément, tant qu'à faire dans le séduisant"
Je ne comprends pas entièrement le sens de la remarque, sans doute ironique. :-)
"si on a raison trop tôt, on a tort"
Nul n'est prophète en son pays...
Bonjour Jean-Brieux (et bonjour Patrick),
"J'ai l'intégrale des Sonates de Schubert par Wilhelm Kempff : je l'ai écoutée à de multiples reprises et je suis toujours en vie. :-)"
Par Kempff, qui plus est. Ce n'est plus seulement de l'application, c'est du courage.
Je ne sais pas, en revanche, s'il est bien raisonnable de laisser une telle recommandation traîner sur la Toile. Des mineurs fragiles peuvent nous lire.
"Il y a un présupposé à penser que les Sonates de la maturité seraient meilleures que les plus anciennes. Ainsi, la trajectoire individuelle d'un compositeur serait linéaire. Rien n'est moins certain, du moins a priori."
C'est vrai qu'il y a assez peu de progression dans ce domaine, et n'était l'évidence de la veine mélodique, assez peu de différence dans le traitement de ces sonates.
"En outre, je ne vois pas en quoi les dernières (voire les premières) Sonates de Schubert bégayent, de surcroît lourdement. J'ai le souvenir de quelques longeurs parfois semi-divines, mais à part cela je ne vois pas.
J'aimerais partager votre impression : pourriez-vous me donner des exemples précis de passages où ça bégaye lourdement ou de séquences trop répétitives ?"
Il ne faut surtout pas chercher à partage mon impression, quand on aime. :)
Oh, ce n'est bien compliqué, il suffit de compter le nombre de retours thématiques exacts par mouvement. Pas de développement, que du ressassement, à l'identique. Si on devait supprimer les réitérations strictes, la sonate ferait un tiers de ce qu'elle fait - et serait l'une des plus merveilleuses choses qu'on puisse imaginer.
Mais c'est sans doute un goût personnel : je n'aime pas perdre mon temps à entendre deux fois la même chose. Et surtout, lorsque je le joue, je suis forcé de m'en apercevoir, et c'est pour le coup vraiment long.
Ca n'enlève rien à la qualité et au sublime de ces pièces, appréciation que je partage bien volontiers ; mais ça ne rend pas toujours leur fréquentation des plus digestes. Et c'est pourquoi je m'interroge sur l'endurance requise pour entendre du tout Schubert.
"Difficile d'être également sublime pendant 40 minutes. Il n'y a peut-être que le Requiem de Mozart/Süssmayr pour y parvenir."
Si, si, ça existe. Pelléas ou Gezeichneten, par exemple, pour rester dans la musique vocale.
Ledit Requiem pique d'ailleurs un peu du nez à partir du Recordare, ce qui n'atteint pas tout à fait la durée requise.
"Vous préférez donc, si je vous suis, les lieder de Schubert. Ne relèvent-ils pas de la musique ...pure ?"
Musique pure, c'est-à-dire qui ne se mélange pas à un autre art. Pour les premiers lieder bien strophiques, auxquels je faisais allusion, non, ça ne se soutiendrait pas en musique seule, en remplaçant le chant par un alto, par exemple.
Concernant ma remarque sur Wagner / Czerny, c'était tout à fait sincère, ces corpus, dans un genre un peu aimable, soutiendraient mieux mon attention, je pense.
chers amis, n'ayant pas votre grande culture, fautre de contribuer au débat, j'irai peut-être à l'Archipel... simplement pour le plaisir de les découvrir ! En effet je suis loin de connaître toutes les sonates de Schubert.
Les répétitions chez Schubert font partie de l'essence de sa musique, il y a un effet magique de suspension du temps et, quand c'est bien joué, on voudrait qu'il y ait encore deux fois plus de barres de reprise :)
Mon filtre anti-spam doit être un Webernien et farouche adversaire des barres de reprises car il avait censuré votre commentaire. Je l'ai envoyé en cure de désintoxication bayésienne !
Mais non, mais non, Morloch, Schubert, c'est encore mieux lorsque ça ne se répète pas trop, comme dans ses meilleurs quatuors. Il est vrai que pour les trios, on peut déjà un peu plus discuter, ils sont magnifiques et ressassent beaucoup dans le même temps.
Ses opéras et ses lieder en revanche ne bégaient pas du tout, et c'est bien là qu'est le meilleur, avec quelques autres oeuvres instrumentales qu'il faut savoir choisir avec soin. S'il y en a bien un qui est mort trop jeune, c'est celui-là !
Rudi Stephan, peut-être aussi (et lui, bêtement).
Ouf, heureusement que je n'ai pas hurlé mon admiration pour Phil Glass, j'étais banni automatiquement...
J'avais entendu certaines sonates par Vladimir Horowitz, ça te comblerait David : toutes les reprises supprimées. Et ce qui était bien, c'était que c'était court, parce que c'était aussi joué de façon particulière. Et le pire, c'est que te connaissant, tu pourrais bien aimer.
"Et le pire, c'est que te connaissant, tu pourrais bien aimer."
Tu sais qu'en d'autres temps, on aurait demandé réparation pour ce genre de propos en public ?
Par ailleurs, supprimer les reprises ne résout rien (ça déséquilibre l'affaire), et encore moins puisque Horowitz ne supprime que les reprises notées comme telles et non les réitérations pourtant exactes comme dans le dernier mouvement de la dernière sonate.
J'ai suivi (avec un temps de retard) tous vos commentaires, et AH ! que j'ai aimé les tiens, morloch !!
"l'effet magique de suspension du temps", OUI, c'est tout-à-fait ça !!!
Et quand je pense qu' Horowitz...!...qu'il les a...!...que... qu'il...enfin !...Non, mais...
Mais bon, je n'ai pas d'excuse, je suis une inconditionnelle, Schubert c'est un pote .
Bonne continuation, les garçons, si vous lisez ce post, 1 an plus tard.
:-)