Deux anecdotes sur le Saint François de Messiaen

Deux anecdotes au sujet de la création de l'opéra Saint François d'Assise d'Olivier Messiaen, le 28 novembre 1983 à l'Opéra de Paris, rapportés par un témoin direct:

  • un haut fonctionnaire du ministère de la culture, qui déclare à sa femme avant la représentation: Profites-en bien, ma chérie, vu ce que ça nous a coûté, tu n'es pas prête de l'entendre à nouveau.
  • Un ministre que je préfère ne pas nommer, voulant être aimable avec le compositeur, lui demande après la représentation: cet opéra, ça a bien du vous demander 6 mois de travail ?. Réponse d'Olivier Messiaen: non, Monsieur, 12 ans.

Commentaires

1. Le samedi 16 août 2008, 21:25 par Insula dulcamara

Il y aurait aussi matière à se moquer d'Olivier Messiaen lui-même, tellement radin qu'il tenait une contabilité de tickets de métro pour se faire rembourser, quand il allait de chez lui aux éditions Leduc pour corriger les épreuves du Saint François...

2. Le samedi 16 août 2008, 22:33 par Papageno

Amusant, l'histoire des tickets de métro, mais ça n'est pas forcément de la radinerie. Les gens de la génération de Messiaen (la génération de mes grands-parents) ont connu la guerre et appris à ne rien gaspiller, la nourriture, les bouts de chandelle, les tickets de métro...

Pour revenir au Saint François, je suis sûr que Messiaen a gagné moins d'argent avec cet opéra que les éditions Leduc (qui en plus vont pouvoir traire la vache jusqu'en 2060 au moins). Je n'ai pas les chiffres, mais si on divise l'argent gagné par le nombre d'heures qu'il a passé dessus, ça n'est même pas sûr qu'on arrive au-dessus du smic. Travailler des années pour quasiment rien (ou pas grand-chose en tout cas) afin de donner un bel opéra à l'humanité, y a-t-il un meilleur exemple d'abnégation et de générosité ?

3. Le dimanche 17 août 2008, 11:03 par Insula dulcamara

Je suis d'accord avec vous, ce qui compte avant tout, ce sont les chefs d'oeuvres qui nous restent : Saint François, Et expecto, Les éclairs sur l'au-delà, etc. Mais je crois aussi qu'il faut se garder d'idéaliser nos grands génies, rarement exempts de leurs parts de faiblesses et de ridicules (cf. les pages de Proust sur l'écrivain Bergotte, dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs), et qu'il est bon de garder à ce sujet une saine ironie. J'ai d'ailleurs fait récemment sur musicareaction (sous le pseudo de Christophe), un compte-rendu de la biographie d'Anton Webern qui, sans même parler de son adhésion aux idées nazies, ne ressemblait guère à sa musique...