Le journal de papageno

Pour le mouvement lent, le hautboïste change d'instrument et prend le cor anglais. Ce magnifique instrument à la sonorité inimitable (et dont l'étymologie reste un mystère) est parfois utilisé dans l'orchestre romantique où ses qualités mélancoliques sont appréciées. Parmi les plus beaux solos de cor anglais à l'orchestre: le début du 3è acte du Tristan de Richard Wagner, le Cygne de Tuonela de Jean Sibelius, le mouvement lent de la Symphonie en Ré de César Franck, celui du Concerto en Sol de Maurice Ravel. Son utilisation dans la musique de chambre est plus confidentielle, ce qui explique la commande qui m'a été faite pour cette pièce.

Le cor anglais est au hautbois ce quel l'alto est au violon: plus grave, plus dense, plus intense même dans le registre aigu (que je n'ai pas hésité à utiliser dans cette pièce, même si ça ne facilite pas la tâche de l'interprète). C'est dire si j'aime cet instrument. Je vous propose d'écouter le début de cet Adagio (enregistré lors d'une répétition, publié avec l'aimable autorisation de Jacques, Carole, Didier, Yves et Marie). On entend nettement le cor anglais, la harpe plus discrète, tandis que les cordes, avec sourdine, se dissimulent derrière un brouillard de trémolos:

L'association hautbois et harpe, plus originale que flûte et harpe, fonctionne très bien à l'oreille. Quant au quatuor à cordes, il confère une base solide à l'ensemble, et une dimension quasi orchestrale, tout en sachant se faire oublier. Dans une association hautbois-harpe-piano par exemple, le piano écraserait les deux autres (surtout avec les pianos modernes qui sont très puissants). Je sais que le hautboïste Heinz Holliger a composé un Trio pour hautbois, alto et harpe en 1966, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de l'entendre (le disque est introuvable). En bref le mariage de timbres entre hautbois, cordes et harpes offre beaucoup de possibilité peu explorées jusqu'à présent.