Numéro hors-série de l'Avant-Scène Opéra: Opéra et mise en scène
Par Patrick Loiseleur le mardi 18 décembre 2007, 21:54 - Opéra - Lien permanent
La revue L'Avant-Scène Opéra vient de publier un numéro hors-série consacrées à ces bestioles bizarres que sont les metteurs en scène d'Opéra. Animaux nuisibles à éliminer d'urgence au Baygon vert selon les uns, génies incompris selon les autres ... 20 cas d'école sont passés au peigne fin par les spécialistes sous la houlette de Christian Merlin.
Sur la vingtaine de spectacles d'Opéra que j'ai vu récemment, j'ai vu un peu de tout en matière de mise en scène, du bon, du moins bon et du foutage de gueule intégral. Je n'ai donc pas d'opinion générale sur des questions comme: pourquoi les mises en scène modernes sont laides ?
ou encore préférez-vous les mises en scène conceptuelles, post-modernistes ou néo-pragmatiques ?
En revanche, j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer dans ce journal mon analyse sur les causes profondes et réelles de ce qu'on appelle aujourd'hui la dictature des metteurs en scène
. Comme le relève Christian Merlin dans son introduction, lors des entractes à l'Opéra Bastille, les spectateurs ne parlent que de la mise en scène: on aime, on déteste, on compare ... De fait, sur quoi la conversation pourrait-elle porter ? Sur la musique ? Ce qu'on entend est en général si proche de ce qu'on a connaît au disque que les différences ne valent pas la peine d'en parler. L'excellent niveau technique atteint aujourd'hui par de très nombreux orchestres, l'absence de prise de risque des chefs d'orchestre sur une partition très (trop) connue expliquent cette standardisation par le haut. En ce qui concerne le plateau (les voix) on peut entendre des choses plus inégales mais tout ce que j'ai entendu était globalement d'un bon niveau. De plus, apprécier la différence entre une soprano simplement honnête et une véritable diva demande un peu d'éducation de l'oreille. Alors que critiquer les couleurs hideuses d'une mise en scène criarde et agressive est à la portée de tous les spectateurs.
Surtout, le répertoire ne se renouvelle pas, les oeuvres du XXè siècle sont sous-représentées et les créations sont trop rares. Si l'on combine ces différents facteurs:
- répertoire immuable
- interprètes et chanteurs d'un très bon niveau technique
- standardisation du son (grâce ou à cause du disque)
il ne reste plus que la mise en scène qui change d'une production à une autre. Dès lors, la nouveauté c'est une nouvelle mise en scène, l'émerveillement c'est une belle mise en scène et le scandale une mise en scène hideuse. Car de nouveauté, d'émerveillement, de scandale, il n'y en a plus guère dans la musique.
L'Opéra n'est pas un genre mourant, il est mort et enterré. L'art total aujourd'hui, ce ne sont pas les nouveaux délires de Marthaler à l'opéra Bastille pour la cent-cinquantième reprise de la Traviata: ce sont les les films et les jeux vidéos, réalisés par des centaines d'artistes, dont la musique est parfois tout simplement géniale. Je suis sûr que Richard Wagner s'il vivait aujourd'hui aurait réalisé sa Tétralogie comme George Lucas a réalisé Star Wars: au cinéma.