Musique électronique

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vendredi 8 octobre 2010

Et le désir s'accroît quand l'effet se recule...

Ce billet inaugure une nouvelle catégorie dans le Journal de Papageno consacrée à la Musique électronique. Je suis et j'ai toujours été un âne en la matière, mais il n'est jamais trop tard pour apprendre, ni pour partager mes éblouissement naïfs avec les lecteurs de ce blog.

Commençons par les "effets". Dans le jargon des musiciens branchés (ceux qui s'arrêtent de jouer il y a une panne de courant), ce mot désigne une transformation du son en temps réel. Les premiers effets étaient des boîtes pleines de transistors, de condensateurs et d'oscillateurs que l'on branchait sur la table de mixage ou bien entre la guitare (électrique) et l'ampli. Les boitiers d'effets pour guitare sont d'ailleurs souvent munis de pédales afin de pouvoir être manipulés (ou plutôt pédipulés) par l'interprète. De nos jours, les logiciels permettent de remplacer toutes ces petites boîtes magiques (mais parfois pas avec la même qualité, ce qui fait que certains musiciens préfèrent garder leurs boîtes à effets de 20 ou 30 ans d'âge).

Certes, me direz-vous, mais à quoi ça ressemble un effet ? Non pas visuellement (un algorithme n'a pas de forme ni de couleur) mais à l'oreille. La rédaction du journal de Papageno s'est livré pour vous à quelques expériences fort instructives avec Soundforge.

Présentons d'abord le matériau de base. C'est un extrait du concerto de Stamitz (contemporain de Mozart), ici dans sa réduction pour alto et piano:

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Commençons par un des effets les plus simples: le Retard, qui consiste à superposer au signal sonore un écho affaibli de celui-ci (écho qui sera répété à nouveau jusqu'à extinction du signal). On a utilisé ici un écho à 90% ce qui est beaucoup trop, avec une fréquence calculée pour entrer en décalage avec le tempo du morceau. Le résultat est assez saisissant: c'est très planant, avec des harmonies chargées mais consonantes qui se transforment lentement, et quelques notes qui surnagent avant d'être englouties par le flot sonore:

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Un autre effet bien connu est la Distorsion. Comme chacun le sait, le signal sonore est constitué par la courbe de variation de la pression acoustique au cours du temps. Notre oreille si délicatement sensible sait détecter à quelles fréquences et avec quelle amplitude cette courbe se tortille pour en extraire des information comme la note (la hauteur) et la dynamique (piano ou forte). Lorsqu'on amplifie le signal jusqu'à atteindre les limites de l'appareil, toutes ces jolies courbes vont s'écraser ce qui crée un effet de clipping. Visuellement, la différence induite par l'effet distorsion et l'écrasement du signal qu'il produit est frappante:

before-distorsion.png

after-distorsion.png

Mais à l'écoute c'est encore bien plus choquant ! Pour épargner vos oreilles, j'ai limité l'extrait à 15 secondes. On ne reconnaît plus du tout le timbre des instruments, qui évoque plutôt la guitare saturée de façon aussi fine et subtile que les paroles d'une chanson de Rammstein.

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Mais le brouillage de l'écoute ne s'arrête pas là. Voici un autre effet, la Modulation d'amplitude. Imaginez un chimpanzé parkinsonien qui joue avec le bouton du volume. Ou plutôt une machine aussi régulière qu'un métronome qui modifie périodiquement l'amplitude du signal. Avec environ 10 battements par seconde, on obtient un effet stroboscopique tout à fait charmant (il ne manque plus que la lumière violette et les filles à moitié nues avec des cheveux verts pour se croire en boîte de nuit):

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Encore plus amusant, si l'on choisit de moduler 440 fois par seconde (c'est un concerto en Ré ou la note La 440Hz, 5e degré, joue une rôle pivot), alors on détruit complètement le timbre des instruments tout en renforçant les vibrations à 440Hz donc un 'La' est perçu par l'oreille même aux endroits où on ne joue pas cette note dans le morceau original.

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Un autre effet cher aux utilisateurs de synthétiseurs, appeler Flange ou Flanger ou Flanging, c'est selon. Il consiste à superposer le signal à une copie de lui-même, avec un délai variable dans le temps, ce qui crée des interférences positives et négatives dans tout le spectre. Lorsqu'on utilise des synthétiseurs, les effets comme le flanger et le phasing servent à éviter la monotonie qui vient de la trop grande uniformité et pauvreté de timbre des sons synthétiques. Appliqué à notre concerto de Stamitz, cela donne un effet 'pales de ventilateur' additionné de sérieux problèmes de justesse. Bref c'est à peu près d'aussi bon goût qu'un solo pou harpe laser de Jean-Michel Jarre.

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Très mignon aussi l'effet Chorus qui cherche à reproduire les micro-décalages qui existent entre les chanteurs d'une chorale ou les altistes d'un orchestre symphonique (j'ai bien dit micro-décalage, le premier qui sort une blague d'altistes il me fera cent lignes). Si on l'utilise à faible dose, effectivement ça gomme un peu les attaques de l'alto, mais l'effet appliqué au piano est désastreux.

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Bien sûr, il est infiniment préférable d'en faire une utilisation réellement créative et contemporaine, c'est à dire en poussant les paramètres au-delà de l'absurde. Ainsi à 4000 Hz avec une énorme amplitude:

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Ou encore avec un Chorus à 10.000Hz (réglage indiqué 'Crazy' dans la liste de configurations pré-définies de l'effet):

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On le voit (ou plutôt on l'entend), même à partir d'un matériau très classique, certains effets font immédiatement penser à ce qu'on peut entendre sur Nova FM ou encore à l'espace de projection de l'IRCAM. Évidemment, appliqués à une musique conçue pour les utiliser, ils donnent en général un résultat moins ridicule que les exemples ci-dessus, dont la valeur est surtout ludique et peut-être pédagogique.